Monthly Archives: Du 2014

Noms de famille et noms de lieux…

guk-abizena_irudia

L’aliénation bretonne connait-elle une limite ? L’indifférence des Bretons face aux menaces pesant sur leur patrimoine culturel, linguistique et historique, est une curiosité bien déprimante dont on se passerait volontiers. Mais il y a peut-être encore plus navrant.

Nos toponymes et patronymes celtiques sont un pan important de notre culture, de notre identité. On sait que l’histoire les a bien malmené. La domination culturelle française a en effet marqué leur orthographe au fer rouge, quand elle n’a pas purement et simplement traduit en français. On ne trouvera donc aucune cohérence dans ce fatras, écrit selon les critères orthographiques du pouvoir dominant.

Un second problème affleure. La grande majorité de la population ne maîtrisant plus le breton, celle-ci ne sait plus dire ces noms de lieux et de famille en breton. Elle les prononce à la française. Conséquence somme toute logique. En revanche, il y a de quoi être effaré par cette francisation généralisée de nos toponymes et patronymes… par les bretonnants actuels ! Les bretonnants de naissance ne montrent pas forcément le bon exemple, certes. Mais là où ça devient préoccupant, c’est de voir les néo-bretonnants utiliser massivement ces formes francisées, ne sachant même comment prononcer leur propre nom de famille.

Du temps où la langue bretonne était d’usage social dans la société, le peuple perpétuait ces noms propres et en créait de nouveaux en bretonnisant les prénoms et noms de famille français. Le processus a été stoppé net. Désormais, on s’achemine dans quelques années vers un scénario où l’on ne trouvera plus qu’une fraction résiduelle des nouveaux bretonnants à même de prononcer correctement noms de lieux et de famille. Concrètement, cela signifiera la perte de ce patrimoine linguistique.

On aura beau avoir de beaux panneaux bilingues, personne ne saura comment le peuple dénommait ces villes et villages, ces cours d’eau et ces collines, ces bois et ces champs. Les noms de famille et les prénoms, n’en parlons même pas. La transmission de tous ces noms propres n’a pas eu lieu, et la formation des nouveaux bretonnants délaisse complètement ce champ. Cela ne relève plus que de la curiosité individuelle de l’apprenant, très aléatoire par définition.

Autre point qui ne cesse de surprendre, beaucoup de néo-bretonnants utilisent l’orthographe francisée, non seulement de leur nom et prénom, mais aussi de leur lieu-dit et de leur commune. En cela, ils ne font que suivre l’ usage administratif officiel. Mais qu’est-ce que cela témoigne ? A mon avis, une absence de réflexion ou une profonde soumission au cadre culturel français imposé. A contrario, bretonniser son nom et son adresse dans tous les actes de la vie, est un geste symboliquement fort qui relève d’une émancipation culturelle et identitaire.

Les Basques, qui n’ont pas de grande leçon à recevoir sur le plan de l’émancipation et de la désaliénation, sont engagés depuis quarante ans dans la voie d’une basquisation complète de leurs noms propres. Les noms de lieux l’ont été immédiatement à la sortie du franquisme, dans les années 1980. L’orthographe espagnole des noms de commune a ainsi été remplacée par l’orthographe en basque standard (“Mutriku” a remplacé “Motrico”, “Gernika” a remplacé “Guernica”, etc.). Là-bas, nulle question d’un bilinguisme ridicule et consternant comme en Basse-Bretagne (“Trégastel/Tregastell”, “Pédernec/Pederneg”, “Prat/Prad”, “Le Rest/Ar Rest”, etc.). Les noms de famille basques connaissent la même dynamique de basquisation avec la démarche “Guk Abizena, zuk ?”, promue par les autorités locales, afin de substituer à l’état civil l’orthographe basque à l’orthographe espagnole (un exemple, le nom “Goicoechea” devient “Goikoetxea”). Résultat, les patronymes basques écrits à l’espagnole sont en très large minorité.

La comparaison Bretagne / Pays Basque montre une fois de plus le fossé existant entre les deux peuples. Le breton, même un minimum conscientisé lorsqu’il fait le choix de se réapproprier la langue du pays, peine à s’affranchir du cadre de domination français. On mesure là pleinement le degré d’aliénation qui atteint la société bretonne.

En réponse, on ne peut qu’inviter à défendre activement ces noms propres essentiels à notre patrimoine et à notre identité :

  • apprendre à prononcer correctement noms, prénoms et toponymes, et les utiliser de manière systématique (même lorsqu’on parle français) ;
  • apprendre à bretonniser les noms français en breton ;
  • utiliser systématiquement à l’écrit la graphie bretonne pour écrire les adresses et les noms bretons de communes, mais aussi sa propre adresse et son identité ;
  • rédiger ses chèques en breton, etc.