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Leur patrimoine n’est pas le nôtre

Les éditions An Alarc’h, basées à Lannuon, viennent de publier un ouvrage intitulé Le Vieux-Marché, Ar C’houerc’had, ses noms de lieux et leur histoire, qui étudie le patrimoine de la commune à travers la toponymie en langue bretonne. Le livre est passionnant pour quiconque a un attrait pour ces sujets. La préface, écrite par le maire d’ Ar C’houerc’had, a elle aussi son intérêt, par le décalage qu’elle offre avec le reste du livre. Car ici point de vibrante défense du patrimoine bâtit, naturel ou linguistique, comme on aurait été en droit de l’attendre. Le maire débute certes par un court laïus sans consistance sur les noms de lieux, qualifiés  de “patrimoine important” (ce n’est pourtant pas ce que laisse penser l’état lamentable des panneaux de la commune, et l’écriture fantaisiste de la plupart des toponymes). Puis il poursuit, mais à propos d’un autre patrimoine qu’il faudrait défendre, le patrimoine “républicain” cette fois:

“Nous vivons dans un perpétuel mouvement, les frontières changent, de nouveaux états  naissent.

Chez nous  la réforme territoriale n’aura pas que pour effet de créer de nouveaux territoires. Avec cette réforme c’est la disparition des cantons, puis programmée mais un peu plus tard celle des départements. Des 36682 communes (source INSEE 01/01/2010) combien en restera-t-il ?”

puis, quelques lignes plus tard :

“Je ne doute donc pas un seul instant de l’utilité d’une telle publication. Au moment où les communes sont en danger cet ouvrage sera très prisé […]”

On imagine bien que l’élu ne pense pas un seul instant à la France lorsqu’il parle de frontières changeantes et de nouveaux Etats. Le dogme nationaliste de l’Unité et de l’Indivisibilité de la République interdit d’appliquer à la France ce qui se passe ailleurs dans le monde. En revanche, ce qui le terrorise, c’est la (pseudo) menace qui pèse sur les communes, les cantons et les départements, soit les différents échelons administratifs historiques de la République. Comme tout bon jacobin, il brandit tel un totem le chiffre sacré des 36000 communes de la République. On se souvient que les associations républicaines et laïcardes qui avaient appelé à manifester en 1999 contre la signature de la charte européenne des langues minoritaires et pour la défense de l’Unité et de l’indivisibilité de la République, avaient elles aussi invoqué sur leurs affiches la défense des 36000 communes. Ce patrimoine républicain est donc en danger pour notre élu. Il faudra qu’il nous explique en quoi nous devrions nous alarmer qu’une commune soit rattachée à une autre, ou encore que les cantons et les départements disparaissent. Tout le monde s’en fout, mis à part nos élus évidemment qui tirent concrètement profit de ces échelons. En tout cas, le fait qu’il ait cru bon d’orienter sa préface vers la défense de ce patrimoine républicain, en délaissant le patrimoine bâtit, naturel et linguistique, est très instructif sur l’échelle de valeurs de l’élu républicain. Cela ne fait que confirmer ce que nous constatons tous les jours : l’élu est en général plus préoccupé par les questions de symbolique républicaine et d’identité nationale que de défense concrète de notre patrimoine local.

Il est à gager qu’au moment où les sous-préfectures et, qui sait, les préfectures elles-mêmes seront menacées (période très utopique, j’en conviens), nous verrons nos braves élus se lamenter à propos de la disparition progressive de ces symboles de la démocratie à la française.

Non, définitivement, leur patrimoine n’est pas le nôtre.


La société française en voie de dislocation

La société française est en voie de dislocation. C’est le sentiment que me donnent les derniers sondages annonçant Marine Le Pen en tête du premier tour de l’élection présidentielle 2012. Le phénomène est hallucinant, tout autant que l’élection de son père au 2ème tour de la même élection en 2002. Et pourtant on commence à s’habituer à cette présence incroyable de l’extrême-droite au sommet des sondages et des urnes. La grandeur de la France, et les autres foutaises du genre, en prennent un bon coup dans la gueule. Mais il n’y a que ça pour me réjouir, le contexte est trop désespérant par ailleurs. 

 

Fortuitement, ces sondages paraissaient au moment où je terminais la lecture de La Machine France, de Jean Ollivro (2007), et offraient une conclusion parfaite aux réflexions efficaces du géographe. Celui-ci brosse dans son essai le tableau d’une France fracturée, divisée, inégale, en complet décalage avec les beaux discours et les grands principes républicains. Le centralisme est pointé du doigt comme étant à l’origine du dysfonctionnement général de ce pays, qui, malgré un ingénierisme social forcené, se révèle incapable de résorber concrètement les fractures et les inégalités qui ne cessent de se renforcer dans la société française. Le lien social, lui, se délite complètement dans ce vaste hexagone, espace désormais indifférencié dans lequel la mobilité est survalorisée.

 

L’extrême-droite ne peut dès lors que prospérer dans cette communauté nationale apeurée, qui n’a de communauté que le nom, où la défiance s’installe partout entre classes, groupes, générations, voisins, individus…Le centralisme républicain continue de faire illusion. Ses adeptes restent nombreux et persuadés de leur supériorité idéologique. Mais leur dogme nous envoie droit dans le mur. Celui de l’extrême-droite pour commencer.


Marh Al Lorh : ar paour-kaezh bigouter oc’h arruout ‘ba kêr Kemper

Sed aze tammoù choazet ganin diwar levr mil-vrudet Pêr-Jakez Helias (1975). Etre ar pajennoù 240 ha 248 a gaver anezhe, ‘ba eil lodenn embannadur Emgleo Breiz. Kontet ‘vez eno kammedoù kentañ ar bigouter bihan, daouzek vloaz anezhañ, o vont da skolaj Kemper. Deskiñ a raio diwar e goust penaos ‘vez dismegañset an dud diwar ar maez eveltañ, tud paour alies-mat, brezhoneg en o genoioù, er-maez a c’hiz penn-da-benn…

Neubeud goude bezañ arruet ‘ba ‘r Kemper ‘h a ar c’hrennard da welet un arvest dindan deltenn war ur blasenn. Goût a oar dija emañ en ur vro estren :

N’ouzon ket perag, soñjal a ra din dioustu ema aze ar bureo maltouterez ma rankan en em ginnig ennañ evid tremen euz Breiz da Vro-Hall.

Pep lec’h en-dro dezhañ e klev yezh kêr, ar galleg, ha pell eo da vezañ kustum diouti :

Ar galleg a zon iskisoh en on diskouarn eged diwezatoh eun negro-spiritual.

Ret-mat vo dezhañ en em abituiñ diouti, divennet ma ‘h eo kaozeal e yezh-vamm ‘ba ‘r skolaj. Kerse vo gantañ peogwir ‘no ket ‘met an nozvezhioù evit adstagañ d’e yezh-vamm, e-hunan, o soñjal ‘ba kanerezed dibar evel ar Voedenn. Ar re-seoù war vont da vezañ ramplaset gant ar c’hozh sonioù deus ar c’hiz o tont deus Pariz :

D’an abardaez-se ez on bahet e lise Kemper evid seiz vloaz, kondaonet da gomz ha da glevet galleg bemdez-doue nemed em huñvreoù-noz, pa gan din e brezhoneg skeudenn ar voedenn goz. Ha kredit ahanon, se n’eo ket memez tra ha “Mont’ là d’sus, tu verras Montmartre”. Evid stolia ar Voedenn, ne vo ket a-walh gand seiz vloaz. Seul nebeutoh c’hoaz ma kanodeomp beb bloaz, e miz gouere ha miz eost, en uzin Yann Hena, he rollad penn-da-benn heb ankounac’haad eur houblad ha marteze en eur lakaad ouspenn. Mann evid mann. E-pad m’emei o kana, ni a zibenn eviti ar piz-ariko.

Ingal eo d’ar grennarded all, ar reoù deus kêr. Ar goaperezh ‘deu buan gante, ken maget eo o lorc’h dezhe hag o dispriz deus an dud diwar ar maez. Ha start eo en em divenn hep mont dezhe ‘vat :

Penaoz ober evid chom heb skei p’emaoh lakeet da blouked gand ar skolidi-diavêz vrein war zigarez emaint o chom en eur ranndi a-lorh war ar haeou pe eur zanaill en-dro da Blasenn ar Roñsed Lard, pa reont goap ouzoh abalamour ho-peus lavaret : “fermer la porte qu’il faut faire”, padal int a goak : “yaka feamer la poate”. Hag ar barrad kastizoù a gouez warnoh eur wech muioh. Peizanted oh, paotred kriz, paotred ouez, Bonedou Ruz.

Gwallgaset ‘vez ar bigouter, evel tout ar reoù all o tont deus ar maezioù, dam d’ar galleg drailhet gantañ. Lakeet eo da baour-kaezh den, diwezhat un tamm. A-benn neuze ‘deu fonnus an taolioù, n’eus ket ‘met gante e c’hall respont d’an dismegañs :

E gwir, ma ‘z om douget da feulzi eo kalz abalamour n’en em reom ket mad gand ar galleg. Skolidi kêr, int, a gomz galleg fall, moarvad, (ha dizale e vezim ar re wella war an danvez-se), med dond a ra ganto êz-tre. Komz a reont dibill, ar farserez kêr zo ganto a ra deomp genaouegi, ober a reont gand eul luhaj a zank droug ennomp abalamour ni n’entravons que dalle. Evid deomp beza par-ha-par ganto e tlefem kaoud tro d’ober gand or yez-vamm ha neuze ar “reoriou striz-se” a bakfe o fegement. Arabad soñjal. Kastizet om evid beza komzet brezoneg. Eun tammig muioh hag e vefe roet deomp ar vuoh.

Estroc’h evit ar brezhoneg ‘vez dismegañset. Tout buhez an dud diwar ar maez ‘vez graet goap diouti gant mibien bourc’hizien Kemper. An touflez zo ledan-mat etre tud kêr, a soñj dezhe bezañ deus ar c’hiz, ‘vel ‘vez gleet, ha paour-kaezh tud ar c’hampagn, mezhekaet ha paour ma ‘h int :

Hag ouspenn, ankouaad a reer ez eus ouzom paotred treuzkaset, enbroadet en despet deom war eun dachenn sevenadurez n’eo ket on hini. N’eo ket a-walh deom trei c’hoaz , kousto pe gousto, euz or yez war deod da halleg al leoriou, med on doare-beva penn-da-benn, on emzalh pemdezieg euz an dihun beteg ar housked a zo mad da hegasi ar re all ha d’o lakaad da hoarzin. Or zevenadurez a-ziwar ar mêz a dremen evito da galpart, ha ni a zo sabatuet dirag o neuzioù bourhizien. Deski a ran, eur wech evid mad, e kred an disterra kêriad beza dreist an ijineka kouër. Eun diemgleo ha ne vo fin ebed dezañ a-raog pell. Lakit ouspenn ez om e-touez ar re baourra.

Lâret brav eo gant Pêr-Jakez Helias an dispriz spontus, digredabl, zo bet deus bobl munud ar maezioù. Ar pezh ‘neus bevet-eñ zo bet añduret gant milionoù a dud eveltañ dre Vro-C’hall, ha gwasoc’h c’hoazh evit ar reoù tamm bihan re dishañval deus an norm parizian. Pegen start ha kalet ar pezh zo bet gouzañvet gant pobloù evel hom hini ! Ar c’houlaouenn oa ‘ba ‘n Pariz, an deñvalijenn en-dro dezhi… Ha ‘ba pep kêr vras ha krenn zo bet heuliet giz Pariz, ar vourc’hizien ‘deus dismegañset tud ar c’hampagn… Hag-eñ oa fraternite en un tu bennak ? Hag-eñ zo fraternite en un tu bennak ?


KlaskHaDistruj 4 : arru eo / il est arrivé

Sed aze. Skrivit din ma ‘peus c’hoant da gaout unan. Brav-kaer eo da welet , ha da lenn ivez emichañs !
Le voilà. Ecrivez-moi si vous voulez que je vous fasse parvenir un envoi. Il est très sympa à voir, et on espère qu’il l’est tout autant à lire !

Histoire d’un siècle : Bretagne 1901-2000

 

Histoire d’un siècle : Bretagne 1901-2000

L’émancipation d’un monde

Editions Skol Vreizh

 

Voilà un livre sorti récemment et qui a connu, il me semble, une petite promotion intéressante. Suffisamment en tout cas pour très vite attirer mon attention. En traitant le XXe siècle, il se place dans la lignée des ouvrages de qualité publiés par Skol Vreizh sur l’histoire de Bretagne. C’est au départ un projet collectif dirigé par Michel Denis, historien rennais de renom. Celui-ci ne pourra cependant mener l’entreprise à son terme puisqu’il décède en 2007 d’une longue maladie. La rédaction repose alors principalement sur trois historiens (Claude Geslin, Patrick Gourlay, Jean-Jacques Monnier) et un sociologue (Ronan Le Coadic).

 

Je dois avouer que, depuis les premières fois où j’ai vu parler de ce livre, j’ai été passablement agacé par le sous-titre « L’émancipation d’un monde ». Ma lecture de la situation actuelle en Bretagne, influençant ma vision du XXe siècle, n’y étant pas pour peu. Je me suis procuré le livre, avec déjà quelques préjugés en tête, et prêt à dégainer l’arme de la critique. Le résumé au dos du livre confirme mon mauvais pressentiment, avec cette citation de Michel Denis que je trouve provocante et mal-venue : « siècle de l’émancipation individuelle et collective des Bretons ». Emancipation individuelle à la rigueur, mais collective non. L’historien rennais étant au départ la cheville ouvrière du projet, je crains alors très fortement que sa « vision positive et optimiste de l’évolution de la Bretagne » n’ait aboutit à un ouvrage discutable du fait du parti pris « positif » initial.

 

Les premières pages ne sont pas pour me rassurer. L’hommage à Michel Denis, dont on nous dit qu’ « il a partagé sa foi dans l’avenir des Bretons » (p9), me laisse craindre que l’équipe de rédacteurs se soit fourvoyée en adoptant ce regard positif qui me semble à moi très problématique. La justification apportée page 9 de cette « vision novatrice » de Michel Denis, facilement retournable, illustre à mon sens l’utilisation problématique du mot émancipation. Certes, les Bretons « ont commencé à prendre le pouvoir, à se dégager des sujétions personnelles et collectives : la famille clanique, l’Eglise, le château, les notables, les organisations encadrantes, les tutelles diverses ». Mais les sujétions à l’Etat français et au Capital n’ont cessé de s’approfondir, sans que les Bretons ne puissent collectivement offrir le moindre contre-pouvoir. Certes « ils ont amorcé des changements considérables, libéré leur créativité, notamment sur le plan culturel ». Mais la culture populaire, et les langues bretonnes, ne concernent plus qu’une fraction des Bretons, et continuent de s’effacer devant une culture élitiste francophone promue par les autorités publiques, et la culture de masse véhiculée par le système capitaliste. Certes « ils ont mis en pratique des principes d’égalité et de solidarité dans leur vie associative, très riche, dans la politique régionale, dans leur ouverture au monde, dans leur refus de l’extrême droite ». Mais la société bretonne connaît le même délitement du lien social, la même atomisation que la société française. Le questionnement en fin d’avant-propos est plus nuancé et prend en compte les incertitudes qui pèsent sur la Bretagne. La réponse aux défis qui se posent aux Bretons « dépend sans doute de leur capacité à s’organiser et à réagir collectivement, ce qui renvoie sans doute à l’intensité de leur conscience de constituer à nouveau une entité, sinon une communauté » (p9). En effet. Mais je ne vois pas trop comment être optimiste à la lumière de la situation actuelle sur un éventuel sursaut communautaire breton. Les termes d’ « émancipation collective » me paraissent dès lors bien présomptueux pour qualifier le XXe siècle…

 

Le cœur de l’ouvrage, je m’en suis rendu compte au fur et à mesure de ma lecture, est beaucoup moins problématique que l’entrée en matière ne le laissait présager. Les différents chapitres sont bien écrits, très bien synthétisés, et regorgent de faits précis. La première partie de Claude Geslin plante le décor et évoque la Bretagne dans la France des années 1900 à 1914. La deuxième, par Patrick Gourlay décrit la Bretagne dans la « Grande Guerre », qui accélère son intégration à la France. On prend la mesure du traumatisme, mais aussi du rôle essentiel de ce conflit dans « la transformation profonde des Bretons en nationaux français » (p124). Nombre d’aides envers les anciens combattants, les invalides, les veuves et les orphelins « finissent d’ancrer le patriotisme cocardier parmi leurs bénéficiaires » (p119). Plus anecdotique, on remarque que le préfet du Finistère loue en 1916, « la capacité d’obéissance des Bretons » (p105). La troisième partie, de Jean-Jacques Monnier, présente la Bretagne des années 1919 à 1939. « La volonté profonde de changement et de promotion sociale » (p142) devient particulièrement aigüe à un moment où la Bretagne est de plus en plus confrontée à l’extérieur. C’est l’époque où « les particularités bretonnes apparaissent constituer des handicaps » (p136). La quatrième partie, toujours de Jean-Jacques Monnier, est dédiée à l’Occupation. Ellet tend à relativiser la collaboration du mouvement breton, qui n’aura au final concerné qu’environ 70 individus, soit les membres de la Bezen Perrot, dont les exactions auront après-guerre un retentissement incroyable. Dans la cinquième partie est analysé par Jean-Jacques Monnier le mouvement de rattrapage entre 1950 et 1972. On y note qu’à l’époque « la région n’existe pas en tant que telle, et par conséquent la vie politique à l’intérieur de celle-ci décalque pour beaucoup l’actualité nationale du moment » (p255). Le problème est qu’aujourd’hui les régions existent, mais  la vie politique régionale n’existe toujours pas, phagocytée qu’elle est pas la dimension nationale. La sixième partie, de Jean-Jacque Monnier, couvre les années 1972 à 1992, et fait état des progrès comme des difficultés qui apparaissent. Si émancipation il y a eu, elle est à relativiser fortement comme je le pressentais : « la société bretonne a perdu beaucoup de son dynamisme interne et de sa cohésion » (p284) ; « cette émancipation-là a été plus difficile et incomplète en raison de la centralisation de la vie politique et du poids du bonapartisme républicain » (p288) ; « ils obtiennent des résultats limités sur le plan de leurs droits collectifs » (p316). La dernière partie, de Ronan Le Coadic, de 1992 à nos jours, est à mon sens brillante, loin de l’optimisme béat que je craignais au départ. Les constats sont sévères et pointent avec justesse nombre de problèmes qui se posent actuellement : crise du modèle agricole, tourisme, délitement du lien social, menaces sur la culture et les langues, conduites à risques…  Ronan Le Coadic évoque même « une demande [par les Bretons] d’autorité de l’Etat qui est tout à fait nouvelle en Bretagne ». Les Bretons, dans un contexte difficile, se raccrochent ainsi aux certitudes, et notamment à l’Etat. Comment changer la donne dans ses conditions ? Le sociologue conclut à l’urgence d’ « impulser un élan puissant » pour faire face aux défis actuels, vers plus d’autonomie. Mais il reste parfaitement conscient des blocages politiques et idéologiques : « Tant que ces conditions – qui ne sont pas de leur ressort mais sont imposées par l’Etat – demeurent inchangées, la portée du volontarisme risque d’être limitée et la Bretagne de rester une région faible à l’échelle de l’Europe et de la planète » (p377). Je souscris totalement.

 

Le livre se termine par une courte conclusion, mais surtout par un texte admirable de Michel Denis. Le titre en lui-même annonce la couleur : « Peut-on renouveler l’approche du combat pour les libertés bretonnes ? ». Je ne le soupçonnais pas capable de telles prises de position sur le système centralisé français et la Bretagne. C’est un texte à lire et à relire, véritable plaidoyer en faveur de l’action politique pour la Bretagne. Il vient à mon sens magnifiquement conclure cet ouvrage, qui au final, et malgré mes très fortes réticences de départ, se révèle être un précieux outil de compréhension du XXe siècle breton, et un appel à l’action pour le présent et l’avenir.