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Les ravages de l’enseignement républicain dans les colonies

En cette période d’élection présidentielle, c’est à un festival de grandes proclamations auxquelles nous avons droit, sur la grandeur de la France, l’universalité de ses principes émancipateurs, et autres foutaises du genre. Régulièrement, j’ai l’occasion de brocarder les “généreux” principes républicains, qui s’avèrent n’être le plus souvent que  slogans bien creux, mais qui légitiment des situations caractérisées d’oppression politique et culturelle, dans les territoires conquis et soumis de l’Hexagone aussi bien que dans les colonies.

Sur l’Ile de la Réunion, à la situation sociale délétère (la pauvreté y est généralisée et 60% des jeunes de 18 à 25 ans y est au chômage…) s’ajoute l’oppression culturelle et la négation de la culture et identité réunionnaise. L’école de la République, tellement louée ces temps-ci par les Mélenchon et cie, reste inflexible et droite dans ses bottes pour substituer à la langue créole parlée dans les familles, la seule langue de progrès, le français. Voilà le constat, et le questionnement qui en découle, que dresse le syndicat Sud éducation Réunion dans son bulletin de mars/avril 2012 :

La Langue créole à l’école

Les conditions sociales rapidement décrites ci-dessus influent sur l’accès au droit à l’éducation. 20% d’illettrés, un pourcentage qui résiste au temps ! Cependant, il nous semble hasardeux d’expliquer l’échec scolaire à la Réunion par un déterminant social absolu. D’autres facteurs sont internes à l’école et notamment son refus de prendre en compte les spécificités de la culture réunionnaise. La langue créole est parlée dans la plupart des familles, parfois avec le français, or 18% des enfants ne parlant que créole à la maison seraient en difficulté dès le CP. Pourtant, on sait aujourd’hui que le bilinguisme, loin d’être un frein aux apprentissages, peut en être un accélérateur. On sait aussi l’importance de la reconnaissance de la langue maternelle dans la réussite scolaire. Or, le créole a un mauvais statut dans l’école réunionnaise et les classes bilingues restent marginales. L’école publique est-elle et doit-elle être réunionnaise ou française à la Réunion ? L’école doit-elle être pensée en créole ou le créole doit-il trouver sa place dans l’école ? Le débat reste ouvert dans notre syndicat comme dans la société. Ce dont nous sommes sûrEs à Sud éducation, c’est que l’accueil des enfants parlant une autre langue que le français nécessite des moyens spécifiques à grande échelle, que le statut du créole à l’école doit être revalorisé, que l’histoire du peuple doit être restituée au peuple : l’enseignement de l’Histoire de la Réunion n’est pas obligatoire !

A Mayotte, le tout récent département français, les zélotes de la langue française sont en mission. En entendant une enseignante dans l’émission “Mayotte : le choix de la France”, passée sur France Culture le 05 03 2011, on croit revivre, les brimades en moins, ce qu’ont enduré les petits bretonnants :

(journaliste) – Ici dans la classe, on ne parle pas mahorais ?

(enseignante) – Non.

(journaliste) – Les enfants ne peuvent pas parler mahorais ? C’est une manière pour vous d’imposer vraiment le français ?

(enseignante) – Oui… c’est la langue qu’on doit appliquer à l’école !

(journaliste) – Mais si vous voyez qu’ils ne comprennent pas forcément vous les autorisez à parler…

(enseignante) – Non ! Pour être un bon élève, il faut savoir dès le CP [le français]…”

Le mot de la fin est à l’inspectrice du vice-rectorat de Mayotte, toujours dans la même émission :

“L’année dernière, on pouvait avoir la moitié d’une classe de cour préparatoire qu’avait de grosse difficultés à démarrer. Forcément, s’ils ne parlent pas français. Il y a des problèmes de phonologie, de compréhension, de lexique…”

Bardées de certitudes et de bons sentiments, elle nous décrit les difficultés de langage des petits Mahorais, incapable qu’elle est de concevoir que ces enfants n’auraient probablement pas plus de “problèmes de phonologie, de compréhension, de lexique” que la moyenne, si on les instruisait et les évaluait dans leur propre langue ! Ce que les Bretons ont souffert avec les autres peuples écrasés de l’Hexagone au XXe siècle, les colonies françaises continuent de le vivre tous les jours au XXIe siècle… sidérant.


Autonomie et réunification de la Bretagne, vite !

 

L’édition du 3 février du Telegramme nous apprend qu’aucune université du Grand Ouest ne figure parmi les 8 campus sélectionnés par le ministère de l’enseignement supérieur dans le cadre de l’appel à projet du grand emprunt, les “Initiatives d’excellence”. Sans surprise, la moitié des universités retenues (4 sur 8) se situent en région parisienne. Le regroupement des universités bretonnes  sous le nom d’ Université Européenne de Bretagne (évidemment circonscrit aux 4 départements de la région administrative), n’a pas fait le poids et ne bénéficiera donc pas de la (grosse) part du gâteau : 7,7Md  € au bas mot pour faire des 8 campus choisis des pôles universitaires de rang mondial.

 

Comme à l’accoutumée, la Bretagne est ignorée du pouvoir central, et Paris continue de bénéficier à fond des financements publics. A force, ça en devient caricatural, et pourtant cela ne choque guère. Vu de Paris, c’est normal étant donné la situation périphérique de la Bretagne. Vu de Bretagne, c’est normal aussi, habitués que nous sommes, et nos élus s’en satisfaisant par médiocrité, a être privés d’un vrai développement régional. Ainsi fonctionne la République, championne de l’égalitarisme. Pour paraphraser Orwell, toutes les régions sont égales entre elles, mais l’une d’elles est (bien) plus égales que les autres.

 

Combien de temps encore devrons-nous accepter docilement que le présent et l’avenir de la Bretagne soient dictés par un pouvoir central qui nous ignore ? Quand verrons-nous les élus bretons, aboyant pour leurs intérêts locaux et frétillant la queue à l’idée de faire carrière à Paris, défendre véritablement les intérêts de la Bretagne et des Bretons ? Ma doue, que le CELIB est loin. Et pourtant, l’exemple des universités bretonnes recalées par l’Etat français nous le rappelle encore une fois, seule une Bretagne autonome et réunifiée, actrice de son développement, permettra d’inverser le processus de minorisation politique à l’échelle française.

 

Ces temps-ci l’on sent un frémissement en faveur de la réunification de la Bretagne, suite à l’amendement des députés Le Fur et De Rugy. Difficile de dire si l’issue en sera positive. Au moins, l’initiative a-t-elle le mérite de mettre le sujet sur le table et de clarifier le positionnement des uns et des autres. Mais les obstacles seront évidemment multiples. Réunifier la Bretagne, dans un pays qui a une peur panique des “revendications régionalistes”, ne va évidemment pas de soi. Le sociologue Pierre-Jean Simon le rappellait avec à propos dans son ouvrage La bretonnité, une ethnicité problématique, 1999 :

 

“Au maintien de cette région mutilée, cette région-croupion – en dépit de la géographie, de l’histoire, de l’économie et peut-être du simple bon sens -, à ce que certains ne craignent pas d’appeler le “dépeçage” de la Bretagne (et d’évoquer parfois à ce propos la partition irlandaise de l’Ulster), il paraît difficile d’avancer aucune justification qui ne soit directement politique et idéologique. Il s’agit assez clairement pour le pouvoir central d’éviter que se reconstitue la Bretagne d’autrefois sous la forme d’une région moderne qui par la réunion des cinq départements bretons serait susceptible de former un ensemble viable disposant d’un potentiel démographique et économique la mettant à l’échelle des régions européennes et la rendant de ce fait moins dépendante du centre parisien.” (p148, La bretonnité, une ethnicité problématique, 1999)


Egalité et éducation : les mythes républicains

Je mentionnais dans de précédents billets l’incapacité structurelle française, et celle de la majorité des enseignants en premier lieu, à remettre en question le système éducatif républicain. Un texte d’une enseignante publié récemment sur Agoravox fournit un exemple-type des croyances et mythes dont se barde la plupart des politiques et acteurs du monde éducatif. L’en-tête donne le ton :

“Les politiques éducatives sont aujourd’hui bien ancrées dans le mondialisme, entièrement élaborées et conduites par les instances économiques et financières internationales, nous les retrouvons dans toutes les réformes gouvernementales sans que souvent, tant personnels politiques que pédagogiques n’y comprennent quoi que ce soit.”

Suit une logorrhée de pseudo-arguments et de contre-vérités, pleins de bons sentiments mais complètement orientés vers un seul but : dénoncer la main-mise “mondialiste”-“libérale” sur l’école républicaine, unique facteur explicatif de la dégradation générale de l’instruction publique. Je me suis permis d’émettre un commentaire critique du texte, et me suis vu infliger pas moins de 4 jugements négatifs (vous savez, les + et les – qui jugent de la pertinence d’un commentaire) pour un texte qui n’a pas attiré un grand nombre de commentaires… Quand je parlais d’incapacité généralisée à remettre en question de façon globale l’enseignement en France…

Malgré tout, il existe des voix discordantes qui n’ont pas peur de se baser sur les évaluations PISA ou les rapports de l’OCDE pour mettre en exergue l’inefficacité structurelle et croissante de l’éducation publique en France. Dans mon texte Education nationale, diversité, égalité des chances,  je me basais par exemple sur le stimulant ouvrage de Paul Robert, La Finlande : un modèle éducatif pour la France ?, 2009.

Hier matin sur France Culture, deux universitaires présentaient des conclusions similaires et formulaient une critique sans appel du système éducatif français. Et cela sans en référer à un vaste complot mondialiste-libéral qui menacerait l’excellence du système éducatif à la française. Pierre Cahuc est Professeur d’économie à l’Ecole Polytechnique, et Stéphane Carcillo est Maître de conférence à l’université Paris 1 Sorbonne et professeur associé au département d’économie de l’IEP de Paris. Leur ouvrage s’intitule :  Comment la France divise sa jeunesse, La machine à trier (Eyrolles). Morceaux choisis de l’interview :

“Sachant qu’en France, c’est un thème que nous abordons aussi dans l’ouvrage, le système scolaire fonctionne de manière très particulière vis-à-vis d’autres pays puisqu’il sélectionne plus qu’ailleurs et il produit plus d’exclus qu’ailleurs.”

“Pour casser cette machine à trier, il y a deux grandes réformes à mettre en oeuvre, la première c’est l’école, la deuxième c’est celle du marché du travail.”

“Le système scolaire aujourd’hui en France produit 20% d’échecs, 20% de jeunes qui ne maîtrisent pas correctement à 15 ans la lecture, l’écriture et les mathématiques de base.”

“Ce qui caractérise la France c’est que ces 20% d’échecs, sont le fait de jeunes qui sont issus de milieux défavorisés, donc en fait le système scolaire en France  reproduit très fortement et plus fortement qu’ailleurs les inégalités. C’est un peu un paradoxe pour une école qui se veut égalitaire et juste, qui en fait est assez inégalitaire et injuste dans ses résultats.”

“Une autre raison pour laquelle les entreprises sont exigeantes en matière de diplômes, c’est le fait que les entreprises fonctionnent en France de manière très hiérarchisée, comme l’école. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle l’école fonctionne elle même de façon aussi élitiste et hiérarchisée. La caractéristique des entreprises françaises c’est le fait d’avoir des managements effectivement hiérarchisés avec peu de travail en équipe, une organisation très verticale.”

“Pour les jeunes qui sont issus de milieux défavorisés, bien c’est quasiment impossible [de rentrer dans le monde du travail] dès lors qu’ils rentrent dans ce système scolaire qui met d’une certaine manière tout en place pour les éliminer progressivement avec un système notamment de notation extrêmement rigoureux et aussi avec un  travail en équipe qui est  très peu développé.”

“Ces deux dimensions sont d’une part, les méthodes d’enseignement. En France, plus qu’ailleurs, les jeunes ne travaillent jamais en groupe. Les jeunes passent leur temps à l’école assis à écouter leur professeur qui enseigne et à prendre des notes. On n’a pas le droit de parler ensemble. Plus de deux jeunes sur trois disent qu’ils ne travaillent jamais en groupe, alors que dans la plupart des autres pays, notamment dans les pays qui ont de bons résultats, le travail en groupe est la règle. On apprend à discuter ensemble, à essayer de progresser ensemble. Ca c’est le premier point qui créé évidemment des inégalités. Il y a un deuxième point qui est le poids de la sélection via les notes et les classements.”

“Quand on regarde la pratique des enseignants en France, ils sont pris au piège.”

“Il y a une pression sociale, c’est ça le piège dans lequel nous sommes tombés. Nous vivons aujourd’hui dans un monde dans lequel il y a une pression sociale pour que ce mode de sélection [par les notes], ces méthodes d’enseignements s’appliquent, et c’est de ça dont il faut sortir. Et il est très difficile d’en sortir parce qu’on vit dans un système cohérent, chaque enseignant a intérêt à reproduire ce système sous le poids et la pression sociale.”

“Pour les jeunes ça a des effets assez dévastateurs. On sait, et c’est ce qu’on montre dans le livre, que tout se joue pour les enfants à un très jeune âge, et notamment ce qu’on appelle les capacités non-cognitive, c’est-à-dire la capacité à persévérer, la capacité à se concentrer, la capacité à maîtriser ses émotions, à travailler avec autrui, ces capacités-là s’apprennent très jeune, et ont une importance déterminante dans l’avenir personnel et professionnel des jeunes quand ils auront 20 ans. Ca s’apprend très très jeune, et aujourd’hui l’école n’est pas en mesure d’aider les jeunes à développer ces capacités, à leur donner confiance en eux, à cause de ces méthodes qui sont imposées par le système, qui sont très verticales, dans lequel on commence à classer les enfants très jeune et dans lequel certains ne croient plus dans leurs chances de réussite.”

“La carte scolaire est un des éléments du système. Mais je pense que le problème est beaucoup plus enkysté dans les pratiques quotidiennes d’enseignement. “

L’analyse rejoint celle de Paul Robert et dévoile avec lucidité les défaillances structurelles du système scolaire français, intrinsèquement incapable de réduire l’échec scolaire, et dont l’élitisme et la hiérarchisation ne sont pas les moindres défauts. La posture qui consiste à cibler les politiques  libérales comme unique cause des ratés de l’école républicaine,  tout en s’épargnant un examen critique de ses dysfonctionnement, aussi commode et confortable intellectuellement soit-elle, n’en est pas moins complètement à côté de la plaque, comme le montre ce genre d’arguments farfelus, tiré du texte cité en introduction : 

“les méthodes républicaines d’apprentissage, poursuivent, elles, leur tranquille disparition pour laisser place aux méthodes mondialistes.”

 

 

PS : ce texte est publié sur Agoravox depuis ce matin. N’hésitez pas à y faire un tour pour regarder les commentaires.


Egalité et éducation publique : le discours républicain contre la réalité

En France, quand on défend un système d’autonomies régionales, on reçoit de façon assez systématique, en plus d’un regard désapprobateur,  la sempiternelle objection : “certes, mais dans ce cas on rompt avec le principe républicain d’égalité, et on risque de créer des inégalités entre régions”. A force, il en devient cocasse, ce discours républicain asséné sur le ton de la vérité générale, et qui ne souffre jamais la moindre remise en question. Surtout quand ce discours se révèle en déphasage complet avec la réalité.

Quantité d’études menées par divers géographes démontrent les inégalités territoriales flagrantes de ce système vanté pourtant comme hautement égalitaire : le poids disproportionné de la région parisienne sur le reste du territoire (pas près de s’arranger avec le projet de Grand Paris), les déséquilibres régionaux avec la politique de soutien à quelques métropoles régionales, l’abandon  presque complet des banlieues, de larges zones rurales et des colonies… A croire que l’obsession française pour l’unité interdit de constater l’évidence d’une France inégalitaire au plus haut point.

Le système éducatif n’y échappe évidemment pas. J’écrivais dans un précédent texte que le système éducatif français était évalué par les organismes internationaux comme très inégalitaire, bien loin des références en la matière tel que la Finlande. Une récente étude d’un syndicat enseignant du public, le SNUIPP, vient l’illustrer à merveille. Au premier semestre 2011, une enquête a été consacrée à l’argent de l’école versé par les communes. Celle-ci fait le constat de “disparités entre territoires qui ne se réduisent pas”, en référence à une précédente étude de 2001. L’écart de financement des écoles reste inchangé,  variant de 1 à 10 selon l’endroit ! L’exemple extrême et caricatural, est celui des intervenants extérieurs : “plus de la moitié des écoles de France n’en bénéficient jamais tandis qu’à l’autre bout de l’échelle, la ville de Paris recrute elle-même des profs municipaux sur concours pour intervenir en EPS, arts plastiques ou en langues vivantes par exemple.”

La conclusion est faite d’un “financement de l’école par les collectivités territoriales [qui] reste extrêmement inégalitaire”. Quelle est alors la réaction naturelle de nos bons petits soldats de la République française, syndicalistes enseignants en l’occurrence ? Inverser le paradigme comme en Finlande en misant sur un système d’autonomies locales pour permettre à chaque enfant de bénéficier d’un réel service public d’éducation de qualité au plus près de chez lui ? Non, ne rêvons pas. Le syndicat enseignant majoritaire préfère invoquer ad nauseam, telles des formules incantatoires, les sacro-saints “principes d’égalité et de gratuité qui fondent l”école républicaine”, quand bien même ceux-ci se révèlent complètement fumeux (à titre de comparaison, l’école finlandaise avec ses cantines, livres et fournitures scolaire gratuites, présente une gratuité absolue dont est très éloignée l’école française). Des discours et des postures, contre l’évidence la plus observable, et ce sans le moindre questionnement ou début de remise en question, en voilà une autre spécificité française...

 

En toute logique, c’est encore à l’Etat paternel qu’on vient finalement réclamer qu’il garantisse les beaux principes républicains : “c’est à l’Etat qu’il appartient d’assurer l’équité des conditions de scolarité sur tout le territoire”.  Toujours plus d’Etat, sans jamais envisager une organisation autre que centralisée… Le mal est profond.


Kollet ‘ba skol ar Republik

Tro ‘mez da gomz brezhoneg gant un den yaouank a-walc’h deus ma barrouz. War-dro pemp bloaz ha daou-ugent eo, hag ur brezhoneg brav-kaer gantañ, deus ar vro. Kalz plijadur ‘meump o klakenniñ, ha bep tro e teskan traoù gantañ. Kaer eo din, da vên ne gaver ket nemeur a dud eveltañ siwazh, ken yaouank ha ken desket war un dro.

Bremañ-souden oa o kontañ din ‘h ae da skol da Sant Eler, ur barrouz vihan vihan war ar maez. Eñ a oare galleg koulz ha brezhoneg pa oa arruet er skol en CP. Nebeutoc’h a “chañs” ‘na unan deus e gamaradoù, ha na oare ket ‘met brezhoneg. Moarvat e oa hennezh unan deus ar re diwezhañ ‘ba ‘r vro, aet da skol ‘ba penn-kentañ ar bloavezhioù 1970 hep goût tamm galleg ebet.

Penaos en em dibabe ar paour-kaezh bihan ‘ba ur c’hlas lec’h ne gomprene ket foeltr sort, ar skolaerez da gentañ ? Evel ur marmouz ‘vije eno, kollet-libr e-mesk tud ha bugale ha na gomprenent ket anezhañ. Bevañ a rae, e-unan er c’hlas, pezh ‘na bevet hom zud-kozh a rummad da rummad a-hed an XIXvet kantved. Memes tra ne vije ket pilet ha gwallgaset, evel oa bet moarvat tud e familh bet mouget dre nerzh ‘ba skol ar Republik araokañ. Goût a oare an holl dija d’ar c’houlz-se oa trec’het ar brezhoneg, da viken. Eñ neuze ‘vije  sellet evel ul loen gouez, ur paotr bihan diwezhat, ha truez a vije dioutañ kentoc’h evit kounnar.

Koulskoude, ne chome ket mouget an hini bihan-se. Komz a rae. Ne oare ket ‘met brezhoneg, met komz a rae avat. Darn a gomprene ‘ba ‘r c’hlas. E skolaerez ‘rae ket. Laket oa bet neuze e-kichen an hini ‘neus kontet din an istor, peogwir e oare hemañ brezhoneg koulz ha galleg. Hag e-giz-se ac’hanta, e tremene e devezh o c’houlenn gant e gamalad “P’ra ‘mañ ‘chaokañ  honn’zh aze ?”. Ha pa lâre traoù d’e skolaerez ‘vije egile o treiñ komzoù brezhonek ar bugel. Padet ‘na ar jeu-se ken oa kat da drailhañ un tamm galleg. Sell aze penaos e tremene an traoù c’hoazh er bloavezhioù 1970. Derc’hen a rae an deskadurezh-stad da frikañ ar vrezhonegerien vihan, betek ar re diwezhañ, restajoù bev ur gevredigezh vrezhonek o vont a-raok fonnus.

Si j’avais à donner un mot pour résumer l’histoire des Bas-Bretons dans l’école républicaine, ce serait “souffrances”. Beaucoup n’ont voulu voir, et persistent à ne vouloir voir, que la mission “émancipatrice”, voire même  “salvatrice” de l’instruction publique française. Mais que vaut-elle, leur émancipation, qui est passé par les brimades, les vexations et les humiliations, ou simplement le désarroi d’enfants complètement perdus dans une école qui jusqu’au bout aura nié leur langue, leur culture, et in fine leur personnalité même, comme dans l’anecdote que je raconte où ce gamin arrive au CP au début des années 1970 sans savoir un mot de français…


Education nationale, diversité, égalité des chances (partie 3)

« Le système élitiste, sélectif, profondément inégalitaire et hypercentralisé, qui existait après-guerre, laissa la place progressivement, à partir de la fin des années 1960, à une école entièrement nouvelle, fondée sur des valeurs d’équité, de respect des différences et d’autonomie. »[i]

 

3/ Le contre-exemple finlandais

 

Depuis que les systèmes éducatifs des pays de l’OCDE sont évalués au travers des études comparatives PISA, la Finlande n’a cessé d’occuper la première place. C’était le cas en 2000, en 2003, et plus encore en 2006 où les élèves finlandais évalués ont terminé, sur 57 pays, 1er en culture scientifique (France 25e), 1er en mathématique (France 23e), et 2ème en compréhension de l’écrit (France 24e). Cette efficacité qui ne se dément pas d’étude en étude amène unanimement les experts en éducation à considérer le système éducatif finlandais comme le meilleur du monde. Les résultats bruts sont brillants, mais la réussite est aussi présente en termes de réduction de l’échec scolaire, de lutte contre les déterminismes socio-économiques, de conciliation de l’autonomie et de l’équité. Un certain nombre de traits caractéristiques suscitent ainsi l’admiration internationale : une proportion plus élevée qu’ailleurs d’élèves atteignant un très bon niveau ; une disparité de performances entre élèves beaucoup moins grande que dans tous les autres pays ; une très faible proportion d’élèves situés dans le bas de l’échelle ; une très faible variation des résultats entre établissements ; une exceptionnelle capacité à corriger les effets des inégalités sociales.

 

Cette réussite indéniable, et c’est aussi ce qui frappe les observateurs, se réalise dans un cadre éducatif où tous, enseignants, personnels et élèves, se montrent épanouis. Les relations que les professeurs entretiennent avec les élèves sont chaleureuses et détendues, et tous partagent une même fierté et un même enchantement pour leur école. Ce véritable miracle est le fruit d’un processus continu, cohérent et global de réformes que l’Etat finlandais a mis en œuvre à partir de la fin des années 1960. A cette époque avait été décidée une rupture radicale avec le système inégalitaire et élitiste que les Finlandais copiaient jusqu’alors sur les Allemands. Malgré les intérêts catégoriels, les résistances idéologiques et les pesanteurs administratives, une nouvelle école a ainsi vu le jour et emporté l’adhésion enthousiaste de tout un pays.

 

L’égalité des chances s’y conçoit comme une offre éducative la plus équitable possible sur tout le territoire. Ce qu’on peut résumer en une école de qualité pour tous, au plus près, au même haut niveau d’enseignement, quelles que soient la situation géographique et les différences de langues, de milieu social ou de sexe. Si le système éducatif français et son service public uniforme semblent tendre vers le même objectif, un examen attentif dévoile le fossé qui sépare deux philosophies opposées de l’éducation. Quand la France voue une obsession à l’égalité, et s’en retrouve très éloignée dans les faits, la Finlande choisit elle la voie de l’équité et est louée internationalement pour sa réussite.

 

Le volontarisme finlandais est exemplaire de cette démarche de réduction des inégalités sociales. La gratuité de l’éducation y est un principe absolu et témoigne de cette volonté de compenser les disparités des situations familiales (cantine, livres et matériel scolaire sont gratuits). De plus, la mise en place d’une école fondamentale unifiée de 7 à 16 ans, dans des établissements uniques  présentant un continuum primaire-secondaire, permet d’abolir toute forme de sélection et de filière, voire de redoublement. Cette école fondamentale, au centre du dispositif éducatif finlandais, fait l’objet d’un effort budgétaire très important car elle est la garante d’une accession de tous les élèves à un bon niveau. La dépense par élève était en 2004 de 4500€ pour le primaire (4098€ en France) et de 7192€ (6320€ en France) pour le premier cycle du secondaire, équivalent de notre collège. De son côté, la France fait porter son effort financier sur le lycée (7970€, contre 5286€ en Finlande), et affiche ainsi plus nettement le caractère élitiste de son système éducatif. Plus globalement, la dépense par élève est modérée en Finlande (inférieure à celle de la France). Elle s’explique par l’absence de vie scolaire et de corps d’inspection, par le poids beaucoup moins lourd de l’administration centrale et régionale, et par la quasi-absence de redoublement. La Finlande prouve de cette façon que la clé du succès ne réside pas fondamentalement dans une augmentation massive des dépenses d’éducation.

 

Elle se différencie à nouveau de la France par sa philosophie éducative. Celle-ci relève d’une conception holistique de l’éducation (l’élève est un tout, et pas seulement un apprenant), et privilégie le développement harmonieux de l’élève dans sa globalité existentielle. C’est ainsi que tout est mis en œuvre pour créer un environnement d’apprentissage sécurisant, sans stress, chaleureux et accueillant, afin de favoriser l’épanouissement des élèves. Ceux-ci sont mis en condition de développer une saine estime d’eux-mêmes, par l’absence de notes et de contrôles jusqu’à 12 ans, mais aussi par la suppression de toute sélection jusqu’à la fin de l’école fondamentale à 16 ans. Tout est fait pour éviter la sélection par l’échec, qui gangrène si fortement aujourd’hui le système français. L’enfant est véritablement mis au cœur du système éducatif finlandais, et le respect de son développement est un principe essentiel pour les professeurs. La sérénité est générale, et les relations de proximité et de confiance entre élèves et enseignants sont frappantes pour l’observateur extérieur.

 

L’école finlandaise assume ainsi pleinement une mission éducative que l’école française tend à négliger au profit de la seule transmission de connaissances et de compétences utiles à l’insertion dans la vie professionnelle. L’ambition finlandaise est bien plus large, et s’attelle à la tâche de favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et son intégration harmonieuse dans une vie relationnelle riche. La transmission de valeurs morales et humanistes fait partie de cette logique. De même, une approche constructiviste de l’apprentissage permet de rendre l’enfant acteur dans l’acquisition de savoirs et de compétences. Cette pédagogie active promue par le système finlandais favorise les intéractions entre élèves et agit positivement sur leur motivation.

 

Le volume horaire est loin d’être assomant pour l’élève finlandais (entre 7 et 14 ans, l’écolier français reçoit 2000 heures de cours de plus), et son temps de travail hebdomadaire à la maison est parmi les plus faibles de l’OCDE. Contrairement à la France, l’élève n’est pas accablé de travail pour le faire progresser. Les effectifs, eux, dépassent rarement 25 élèves par classes, ce qui est bien inférieur à une moyenne française en constante augmentation. Globalement, le taux d’encadrement est élevé, de même que le nombre de conseillers d’orientation très supérieur à la France. La prise en charge de la difficulté scolaire est une priorité pour le système finlandais, qui y consacre beaucoup de moyens (1 professeur spécialisé pour 100 élèves en moyenne). En effet, égalité des chances signifie là-bas accorder aux enfant ayant des besoins éducatifs spéciaux toutes les aides spécifiques. Concrètement, presque 1/3 des élèves reçoit des aides spécifiques (soit 10 fois plus qu’en France), la plupart d’entre-eux en intégration dans les classes. Les évaluations internationales ont montré la grande efficacité de cette généralisation massive de dispositifs ciblés et temporaires, que la France tente de copier mais sans se donner les moyens nécessaires.

 

L’ouverture de l’école finlandaise sur la diversité culturelle des élèves est proprement remarquable. En Finlande, il existe trois minorités linguistiques : lapone, suédoise et rom (environ 10 000 personnes pour cette dernière). Ces communautés bénéficient toutes trois d’un droit égal à un enseignement dans la langue maternelle. Un amendement de 1999 du Basic Education Act stipule même qu’une partie de l’enseignement peut être donnée aux enfants de ces minorités dans une langue autre que la langue maternelle, à condition que cela ne risque pas d’entraver leur capacité à suivre l’enseignement. Cette volonté de proposer aux enfants issus de minorités un enseignement en langue maternelle est significative d’un véritable respect des élèves dans leur diversité, à des années-lumières du système français.

 

Quant aux enfants issus de l’immigration, l’école finlandaise leur témoigne une reconnaissance semblable. Des structures d’accueil spécifiques combinent un apprentissage intensif du finnois et un enseignement de la langue et de la culture d’origine. Dans la capitale Helsinki par exemple, plus de 40 langues sont enseignées par des maîtres itinérants formés par la municipalité parmi les locuteurs natifs. Dans le même ordre d’idée, il suffit de trois élèves d’une même religion pour qu’une intruction religieuse leur soit prévue. On le voit, le système finlandais a le souci de valoriser la différence, de permettre une intégration réussie en ne coupant pas les enfants de leurs racines. A l’opposé de l’assimilitation forcée à la française, la Finlande propose une acculturation en douceur, en faisant preuve d’un respect et d’une tolérance extrême envers les différences des élèves. Les résultats sont remarquables, avec une cohabitation harmonieuse et des crispations identitaires presque totalement absentes.

 

Bien loin d’un système hyper-centralisé à la française, l’école finlandaise connaît une organisation très décentralisée. Le cadre reste national, mais les municipalités y jouent un rôle de tout premier plan en détenant l’essentiel des pouvoirs décisionnels. Elles bénéficient d’une autonomie totale pour déterminer les effectifs des classes, pour décider des créations d’écoles fondamentales ou de lycées, pour recruter les professeurs et pour financer les établissements scolaires. Ce sont d’ailleurs les communes qui gèrent la presque totatité de l’argent public consacré à l’éducation. De même, les établissements connaissent une grande autonomie qui leur permet d’adapter assez largement les grilles horaires et les programmes nationaux au contexte local. Le maître mot du système est de donner confiance aux acteurs locaux pour s’adapter aux caractéristiques et contraintes particulières, et pour trouver les meilleures solutions aux problèmes qui les concernent. Cette décentralisation n’empêche pas la Finlande d’être « un des pays où l’offre éducative est la plus égalitaire et la plus équilibrée sur l’ensemble du territoire »[ii]. Ce constat bât en brêche une des idées reçues les plus ancrées en France, considérant l’autonomie locale comme facteur inévitable d’inégalités territoriales.

 

Conclusion

 

En misant sur l’équité de son système éducatif, plutôt que sur une égalité uniforme comme en France, la Finlande réussit l’exploit de concilier excellence des résultats et lutte efficace contre les inégalités. L’égalité des chances n’y est pas un slogan creux, mais une réalité qui suscite l’enthousiasme de toute la société finlandaise. Pendant ce temps, l’école apostolique et républicaine française, gagnée par la médiocrité, se contente d’alimenter un marché du travail toujours plus hostile et se montre incapable de compenser les inégalités socio-économiques. Dès lors, cette fameuse égalité des chances tellement ressassée ne fait plus qu’instaurer un régime social de concurrence généralisée. Et c’est là que l’on mesure l’écart prodigieux entre les grands principes généreux et la réalité, dans un pays pourtant si prompt à se poser en modèle. Mais la foi républicaine reste forte, et la remise en question du système éducatif français, comme du système politique français dans son ensemble, relève d’un effort inhumain pour l’immense majorité du personnel de l’Education nationale. Peu importe si quantités d’élèves se font broyer par la machine, l’essentiel est de croire en la supériorité de son modèle éducatif…

 


[i] Paul Robert, La Finlande : un modèle éducatif pour la France ?, 2009, p. 58. Je me suis abondamment basé sur cet ouvrage, indispensable pour qui veut étalonner le système éducatif français et cerner ses déficiences, afin de rédiger cette partie sur l’enseignement en Finlande.

 

[ii] ibid. p. 44


Education nationale, diversité, égalité des chances (partie 2)

 « le pays occidental le plus éloigné de l’égalité des chances »[i]

 

2/ L’institution en charge de l’égalisation des chances

 

Avec sa généralisation effective sur le territoire national, l’école républicaine s’est vue confirmée, voire sacralisée, comme principal agent de l’émancipation individuelle et de la cohésion sociale. Le principe d’égalité des chances, sous-tendant dès lors toute la politique éducative, est devenu l’objet d’un culte sans cesse croissant, dans un système éducatif persuadé que seule une uniformité parfaite de l’enseignement à l’échelle du pays peut générer une véritable égalisation des chances. C’est donc sans trop de difficultés que le personnel de l’Education nationale adhère à la structure hyper-centralisée et hiérarchisée de l’édifice scolaire français. Cette organisation pyramidale est en effet gage pour beaucoup d’un service public rigoureusement homogène, donc perçu comme égalitaire, quand bien même cela conduit à un fonctionnement global très rigide, centralisé, bureaucratique, avec les établissements scolaires en ultimes maillons de la chaîne de transmission, chargés de faire appliquer une avalanche de directives, lois, décrets, arrêtés et circulaires émanant du ministère.

 

Cependant, cet impératif constant qu’est l’égalité des chances, sensé être obtenu par l’uniformité du service public d’éducation, se révèle être un principe certes généreux, mais largement incantatoire. En effet, d’après les études comparatives internationales PISA (menées par des experts de l’OCDE en 2000, 2003 et 2006), le système français obtenait des résultats assez calamiteux en termes de lutte contre les inégalités. Le rapport de la Cours des Comptes de mai 2010 sur le système éducatif enfonce le clou en qualifiant la France de « pays occidental le plus éloigné de l’égalité des chances ». Le constat est sans appel : l’école républicaine est de moins en moins capable de corriger les inégalités de résultats des élèves, engendrées par le statut socio-économique de leur famille.

 

Cette « inefficacité à lutter contre les inégalités sociales » s’accompagne d’un niveau scolaire que les études internationales évaluent comme médiocre et en baisse constante par rapport à la moyenne occidentale (étude PISA 2006 portant sur 57 pays : 25e en science, 23e en mathématique, 24e en compréhension de l’écrit). L’échec scolaire atteint des niveaux effrayants et est à lui seul symptomatique de cette école qui n’arrive à mettre réellement en réussite que la moitié de ses élèves : un jeune sur six quitte l’école sans qualification ni diplôme, un jeune sur cinq ne maîtrise pas les compétences de base en lecture. Le taux de redoublements, énorme comparé aux autres pays occidentaux (en 2003, 40% des élèves de 15 ans avaient redoublé au moins une fois), est pointé du doigt pour son inefficacité et son coût, estimé à deux milliards d’euros. Quant aux zones d’éducation prioritaire, l’école n’y fait qu’accompagner la lente dégringolade de ces quartiers sinistrés, oubliés de la République. 

 

On assiste par conséquent au paradoxe d’une école républicaine qui, plus elle brandit l’étendart de  l’égalité des chances, se montre dans les faits de moins en moins capable de remédier à un échec scolaire massif touchant les enfants de milieux défavorisés. C’est que, nonobstant le contexte socio-économique inégalitaire touchant la société française comme les autres pays occidentaux, la conception que l’on se fait en France de l’égalité des chances se révèle très étroite. Ainsi, l’objectif n’a jamais réellement été d’amener tous les individus vers la réussite, de tous les émanciper intellectuellement et socio-économiquement. On s’est plutôt attaché en France à créer pour tous les mêmes conditions, à traiter tous les élèves de la même façon pour seulement permettre aux plus méritants de  grimper l’échelle sociale. Si le système bénéficie à beaucoup d’heureux élus, le fameux ascenseur social reste lui en panne pour la plupart de ceux issus de milieux défavorisés et qui continuent de végéter en bas de l’échelle. On perçoit bien là le caractère fallacieux de cette égalité des chances, conçue uniquement comme égale possibilité d’accès aux plus hautes sphères de la société, méritocratique donc mais loin d’être démocratique.

 

On retrouve cette obsession de l’égalité de traitement à tous les niveaux de l’Education nationale, où malgré une légère évolution positive, la représentation majoritaire reste celle d’élèves devant tous être traités de la même façon, et n’ayant ainsi « plus qu’à » faire preuve de leur mérite. La culture de la différenciation manque encore cruellement dans un système scolaire où la lourdeur des procédures et la faiblesse des moyens plombent de toute façon les vélléités d’individualisation. L’élève en difficulté, dyslexique, ou à besoins éducatifs particuliers, ne bénéficiera dans le meilleur des cas que de dispositifs toujours très insuffisants, aux moyens toujours très limités. Le plus souvent, il se retrouvera seul face à ses difficultés. Là apparaît une des caractéristiques historiques de l’Education nationale, celle d’être une machine perverse de sélection par élimination, s’accommodant finalement assez bien d’un pourcentage important d’élèves qui décrochent.

 

La note scolaire, qui n’a aucune justification pédagogique sérieuse, reste logiquement la clé de voûte d’un système qui continue de classer insidieusement les élèves, de les trier, et de déclasser les moins bons. Les effets pernicieux de la notation, qui enfonce les plus fragiles dans la mésestime d’eux-mêmes, viennent renforcer une pression scolaire qui apparaît dès l’école maternelle, et qui met de manière déplorable les élèves en compétition. Celle-ci est pour beaucoup synonyme de découragement, quand les seuls en général à y prendre goût sont les élèves des milieux favorisés, dont les représentations et les modèles familiaux sont les plus proches de ceux de l’école. C’est ainsi qu’apparaît un processus double : un écrémage impitoyable d’un côté, et un mécanisme de reproduction des élites de l’autre.

 

A cette inégalité dans les résultats, s’ajoute la difficulté à dépasser une pédagogie frontale, autoritaire, qui ne contribue pas peu à démobiliser quantité de jeunes. Cette pédagogie du cours magistral, purement transmissive, survit et connaît même un retour en force, malgré la guerre idéologique que se livrent de la base au sommet ses partisans et ses adversaires, ces derniers  adeptes de pédagogies actives. Les directives ministérielles ne font jamais preuve d’audace, et oscillent plutôt entre de frileuses expérimentations novatrices et des retours à l’ordre ancien. Du point de vue de l’autorité, la grande majorité des relations enseignants-élèves reste très hiérarchisée et basée sur la peur. La présence d’une dimension relationnelle de l’acte éducatif devient de plus en plus exceptionnelle quand dans le même temps perdurent chez beaucoup d’autres des pratiques autoritaristes aberrantes. Sans grande surprise, les savoirs sont de plus en plus privilégiés par rapport à l’élève lui-même, ravalé à l’état de disque dur bon à tout ingurgiter. Dans cette même logique, les programmes de plus en plus chargés dans chaque discipline requièrent la passivité des élèves, et non l’autonomie et l’esprit d’initiative.

 

Cet enseignement d’essence très élitiste pose de surcroît le problème du sens que vont donner les jeunes à ces connaissances, pour la plupart déconnectées de leurs vies, qu’on leur demande d’assimiler. Plus globalement, on se rend compte que le slogan novateur des programmes de 1989, mettre « l’élève au centre du système », est resté lettre morte. Bien loin d’appréhender les élèves réels dans leur diversité, dans leur richesse, dans leurs difficultés, dans la multiplicité de leurs origines, de leurs langues, de leurs cultures, l’école républicaine par son obsession égalitariste s’obstine à ne voir que des élèves abstraits, des modèles théoriques. Le fossé est alors grand, voir infranchissable souvent, entre une école fermée sur l’extérieur et persuadée de la supériorité de ses valeurs, et des élèves impréparés par leur milieu à entrer dans la culture scolaire, avec ses codes, ses valeurs, son langage.

 

L’attitude des enseignants fait penser dans bien des cas à celle de missionnaires, bardés de bons sentiments et de grands principes, incapables de reconsidérer leurs postulats couramment admis et de remettre en cause des pratiques bien installées. Ils sacralisent tellement leur système de référence qu’ils sont à de rares exceptions près dans l’impossibilité d’émettre la moindre critique générale de l’école républicaine. Certes, ils se mobilisent souvent à juste titre contre la baisse des moyens et contre les réformes rétrogrades. Mais ils n’hésitent pas non plus à s’opposer systématiquement à des dispositifs qui ont le mérite pourtant de s’attaquer à des travers importants de la scolarité : l’heure de vie de classe pour favoriser les échanges, le socle commun afin de contrer la dérive inflationniste des programmes, les itinéraires de découvertes pour favoriser les projets interdisciplinaires, etc. Ces initiatives, et tant d’autres, ont rencontré l’hostilité répandue de professeurs n’acceptant aucune remise en cause de leur routine pédagogique. L’immobilisme corporatiste est de règle, en témoigne la persistance générale des vieux modes de transmission des savoirs.  

 

Le cadre sécurisant, centralisé et hiérarchisé, de l’Education nationale, est pour beaucoup d’entre eux un horizon indépassable. Une hypothétique autonomie des établissements, une dévolution des compétences éducatives aux régions ou aux communes, relèvent de l’abomination pour un corps enseignant qui ne peut admettre qu’on casse la belle uniformité du service public, censée être garante de l’égalité des chances. On agite alors l’épouvantail mobilisateur de la dérégulation libérale effrénée qui ne manquerait pas d’aboutir au creusement des inégalités. Dans ces conditions, aucune remise en cause du centralisme et de la hiérarchie ne peuvent évidemment poindre. Plutôt que d’analyser les défaillances structurelles du système éducatif, et les causes profondes du malaise enseignant actuel, on préfère s’arc-bouter sur la défense d’une école républicaine fossilisée, considérée comme menacée de toute part (par le libéralisme ou encore le communautarisme), en mobilisant tels des totems les grands principes incantatoires que sont la laïcité et l’égalité.

 

La mise en œuvre de l’égalité des chances, est, on l’a vu, un échec, pour un système éducatif qui en avait pourtant de longue date fait un principe directeur. Ce n’est pas le cas de la Finlande, qui tout en prenant le contre-pied du système français sur presque tous les plans, connaît un bilan largement meilleur en termes de résultats scolaires et de réduction des inégalités. 


[i] Didier Migaud, président de la Cour des comptes (Le Telegramme, 13 mai 2010)

 


Education nationale, diversité, égalité des chances (partie 1)

“Notre modèle éducatif est pourtant envié de partout car les résultats sont excellents”

 

“Il est dommage de détruire quelque chose qui apportait à tous”  

 

En ces temps de rentrée de scolaire où l’accent est mis dans les médias sur l’éducation, je publie en trois partie un texte que j’ai écrit pour le numéro 4 de Klask ha Distruj. Le prétexte m’est fourni par une anodine prise de position (extraits ci-dessus) du conseiller général de ma commune (oui, encore lui !) à propos des réductions d’effectifs dans l’Education nationale (Côtes d’Armor magazine du mois de septembre). Au-delà de l’habituelle et légitime prise de position contre les suppressions de postes, l’élu exprime parfaitement dans son billet  l’incapacité chronique et absolue, partagée à tous les niveaux de la structure étatique française (des hauts fonctionnaires jusqu’aux élus locaux), à remettre en question le modèle d’organisation républicain, et plus particulièrement son système éducatif. Au contraire, la croyance en l’efficacité intrinsèque, en la supériorité de l’instruction “à la française”, fait partie de ces certitudes jamais questionnées en France. 

 


 

Education nationale, diversité et égalité des chances

A l’image de bien d’autres choses, l’instruction publique nationale est considérée en France comme le nec plus ultra en terme de politique éducative. Et comme beaucoup d’autres domaines objets de fierté nationale, cela relève largement du mythe.

L’objectif de ce texte est d’esquisser une critique du système éducatif français, de l’Education nationale en particulier, selon deux axes qui sont in fine ses grandes finalités politiques : l’instrument homogénéisateur au service de l’unité nationale ; l’institution en charge de l’égalisation des chances. Sans s’engager véritablement sur le terrain pédagogique, on en restera à une analyse politique des principes directeurs du système éducatif en France, de leur effectivité et de leurs conséquences sur les populations en « bénéficiant ». Le modèle éducatif finlandais, contre-exemple à plus d’un titre, sera finalement invoqué pour mettre en exergue ce qu’il faut bien qualifier de « faillite de l’école républicaine ».

« C’est l’éducation qui doit donner aux âmes la forme nationale et diriger tellement leurs opinions et leurs goûts qu’elles soient patriotes par inclination, par passion, par nécessité. Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir sa patrie et jusqu’à la mort ne plus voir qu’elle. »[i]

1/ L’instrument politique qui doit forger la nation

L’importance de l’instruction publique apparût très tôt aux révolutionnaires de 1789, et assez logiquement ils tentèrent par diverses lois de la généraliser sur le territoire national. Portant en elle la promesse de l’émancipation individuelle, idée issue des Lumières, elle représentait de plus pour les gouvernements successifs de l’époque un formidable outil pour unifier le pays et forger la communauté nationale. Divers rapports de l’époque ne manquèrent pas en effet de souligner la diversité culturelle et linguistique de la France, comme celui de l’Abbé Grégoire en 1794. Cette variété des pratiques culturelles était perçue par les révolutionnaires comme un obstacle insupportable à l’unité du pays, au progrès humain et à l’émancipation individuelle des individus, qui ne se concevaient tous trois qu’au travers de la langue et de la culture française (on voit qu’on n’a pas réellement évolué en France sur ce plan). Ils s’attelèrent dès lors à la mise en oeuvre d’un système scolaire rigoureusement uniforme, centralisé et hiérarchisé à l’image du pouvoir en France. Les ouvertures d’écoles républicaines furent cependant minimes pendant la période révolutionnaire, et les lois scolaires restèrent sans effet ou presque.

Les bases théoriques de la démocratisation de l’instruction publique en France étaient néanmoins jetées. Il fallut attendre le moment où la République triompha enfin de son adversaire monarchiste, à savoir la fin du XIXe siècle, pour véritablement voir l’éducation publique connaître des progrès conséquents. La IIIe République, avec les lois scolaires de Jules Ferry de 1882, impulsa en effet une démocratisation accélérée de l’enseignement en France. L’heure était à l’affermissement du sentiment républicain et à l’instillation d’un patriotisme revanchard après la défaite de 1871 contre la Prusse. L’école laïque se voyait ainsi assignée la tâche de faire pénétrer dans toutes les couches de la société, notamment populaires, un cocktail de valeurs républicaines et nationalistes, et de fondre dans le même moule de la citoyenneté de langue et culture française l’ensemble des communautés historiques présentes sur le territoire français.

Ce rôle homogénéisateur de l’école n’a jamais été remis en question en France. Aujourd’hui comme cent ans auparavant, l’Education nationale dispense un enseignement quasi uniforme sur tout le territoire français. Quelque soit l’endroit où vit l’enfant, il devra maîtriser à l’exclusion de tout autre une langue française omniprésente, s’approprier une culture élitiste par essence, apprendre l’histoire mythifiée de la nation française. Les variations locales et régionales sont infimes, voire inexistantes, dans ce schéma scolaire imposé depuis la capitale et qui « s’ingénie à nous rendre pareil », pour reprendre les termes de Mona Ozouf[ii]. L’institution scolaire se montre ainsi imperméable, ou presque, au particularisme, qu’il soit lié à la diversité régionale ou au milieu d’origine des enfants de migrants. Le contexte culturel particulier des enfants, de toute façon non reconnu, est ainsi relégué dans la sphère privée quand la culture française est seule valorisée et considérée comme d’intérêt général.

En dépit d’évolutions positives sur certains plans, l’école républicaine actuelle demeure donc dans nombre de ses caractéristiques l’héritière de l’instruction publique telle que conçue par les révolutionnaires de 1789 et mise en œuvre par les républicains de la IIIe République. Sur la question des langues et cultures minoritaires par exemple, elle reste encore aujourd’hui sur une position figée, mélange d’hostilité et d’indifférence. Si le combat que les hussards noirs de la IIIe République ont mené contre les enfants parlant « patois » (à l’aide du « symbole » en Bretagne, ou du « signal » en Occitanie) appartient désormais à une époque révolue, la diversité culturelle et linguistique n’en reste pas moins presque totalement niée par le système scolaire français moderne. Les quelques avancées ayant permis une timide introduction des langues minoritaires dans l’Education nationale n’ont été obtenues qu’au prix d’intenses efforts militants, et font face à une défiance générale à tous les étages de la pyramide scolaire. De même, les cultures populaires sont ignorées par une institution scolaire qui les considère comme naturellement inférieures. Les histoires locales et régionales, elles, n’ont pas de place dans un enseignement de l’histoire dont la finalité reste l’imposition à tous d’un même et unique passé.

La méconnaissance du corps enseignant de ces réalités locales et régionales est d’ailleurs de règle, même si quelques uns se passionnent personnellement pour les langues, cultures et histoires autres que nationale. Fruits d’un système scolaire qui se refuse idéologiquement à mettre en valeur le particulier, les enseignants font preuve globalement d’une fermeture au local, d’une cécité à l’environnement culturel des enfants, chose que l’on peut remarquer avec constance depuis les débuts de l’instruction publique, que ce soit dans les banlieues ou dans les territoires à spécificité culturelle. C’est ainsi que l’on verra plus volontiers dans les écoles de Bretagne des projets pédagogiques portant sur les Inuits, la Chine ou les Indiens d’Amérique que sur tel ou tel aspect de la culture bretonne. Assez logiquement, une bonne partie du corps professoral a de plus parfaitement intériorisé le mépris pour toutes les formes culturelles non validées par le pouvoir central et l’intelligentsia parisienne. A cela s’ajoute un sentiment très répandu d’hostilité envers les langues minorisées à partir du moment où l’on ose revendiquer pour elles une meilleure prise en compte par l’école. La croyance généralisée et ancienne en une langue française seule vectrice de progrès et d’émancipation sociale amène beaucoup d’enseignants à rejeter avec virulence tout ce qui tend à s’écarter de la sacro-sainte norme francophone prescrite.

Au final, les enseignants ont dans l’ensemble fait leurs les dogmes et les préceptes, les préjugés et les pseudo-certitudes, qui président à l’enseignement républicain en France. C’est le cas de la laïcité, principe désormais invoqué à tort et à travers, notamment pour s’opposer au développement des langues minoritaires dans l’Education nationale. Un exemple fameux nous avait été fourni lorsque les syndicats enseignants, les associations de parents d’élèves et les soi-disant « libres penseurs » agitèrent de façon éhonté le principe de laïcité, dévoyé car assimilant injustement les langues aux religions, pour s’opposer à l’intégration des écoles immersives Diwan dans l’Education nationale. Cette invocation de la laïcité, et cette assimilation de la langue minoritaire à la religion, est symptomatique de cette volonté idéologique largement répandue en France de maintenir les langues autre que le français dans la sphère privée, et donc de les asphyxier.

La conséquence de cette politique éducative de non-reconnaissance et de non-prise en compte des langues de France, voire de répression dans certaines régions comme la Bretagne, est une situation actuelle et à venir catastrophique pour leur survie. La plupart d’entre elles sont considérées comme en danger sérieux d’extinction par l’UNESCO. Quand le pourcentage de locuteurs de breton en Basse-Bretagne passait de 90% en 1900 à 15% aujourd’hui, pour sans doute se stabiliser à un niveau famélique de 3 ou 4% dans les décennies futures, une région comme le Limousin verra complètement disparaître le dialecte occitan qui y est traditionnellement parlé. Les cultures populaires suivent la même trajectoire que les langues qui en sont les vectrices : folklorisées, elles sont remplacées rapidement par la culture dominante francophone véhiculée par l’école et la culture de masse diffusée par les médias. L’objectif initial d’une communauté nationale parfaitement homogène aux six coins de l’Hexagone est donc en phase finale d’achèvement, les différences ne cessant de s’estomper et n’étant plus que résiduelles.

De fait, dans la plupart des régions de France, les individus se retrouvent privés de l’héritage culturel de leurs aieux, privés de leur langue, de leur histoire locale et régionale, auxquels ont été substitués les standarts nationaux imposés par le pouvoir. Ce phénomène d’acculturation brutale, imposée, a pu prendre un tour plus dramatique encore dans les communautés culturelles différant grandement de la norme par leur spécificité, comme la Bretagne, l’Alsace, le Pays Basque ou l’Occitanie. Le résultat de cet arasement des pratiques culturelles communes au niveau local et régional est une perte de cohésion, voire même un délitement accéléré du lien social. Ce phénomène est accentué par une hyper-valorisation de la mobilité interrégionale, un des rôles historiques de l’école française étant de fournir une main d’œuvre qualifiée pour les grands centres de l’économie française. Le système éducatif est ainsi mis à contribution pour créer à l’échelle de l’Etat-nation un espace indifférencié, où les individus en perte de repères n’auraient plus qu’un attachement réduit au territoire local et régional.

On perçoit bien là comment l’école républicaine s’est retrouvée au centre d’un vaste dispositif visant à l’effacement de la diversité culturelle et à la création d’une communauté nationale homogène. L’argument principal ressassé pour justifier ce laminage, bien loin des inavouables mobiles nationalistes (créer une nation unie et patriotique) ou économiques (favoriser la fluidité de la main d’œuvre salariée), est celui plus rassembleur de l’égalité des chances.


[i]Jean-Jacques Rousseau, Considérations sur le Gouvernement de Pologne (1772), édition de La Pléiade, t. III, p. 966

[ii]Mona Ozouf, Composition française, 2009, p. 105


Anglais dès 3 ans à l’école : Jusqu’où vont-ils nous la mettre ?

Le ministre français de l’Education, Luc Chatel, vient d’annoncer la mise en place d’un comité stratégique sur l’enseignement des langues. Son but ? Généraliser l’enseignement de l’anglais à la maternelle. Et ce dès 3 ans. Je ne m’attarderai pas sur les moyens (risibles) prévus : les nouvelles technologies et internet. J’insisterai plus sur les implications d’une telle mesure, qui, si elle est appliquée, pourrait avoir de graves conséquences pour la défense des langues minoritaires. 

 

La République une et indivisible ayant à peu près tout dévasté sur le plan de la diversité linguistique, l’école est désormais le seul vecteur que nous ayons pour transmettre et faire vivre nos langues. Si les progrès de l’enseignement en langues minoritaires sont très nets depuis 30 ans, on reste bien loin d’ériger des sociétés bilingues, en Bretagne comme ailleurs. Ces conquêtes, à peine reconnues par l’Etat français, présentent un caractère bien fragile. Luc Chatel va peut-être nous le démontrer.

 

Car ce qui se profile avec la généralisation de l’anglais à la maternelle, c’est un coup très dur porté à l’enseignement en langue minoritaire. Première conséquence pratique, une partie des familles (voire une bonne partie si l’enseignement en langue minoritaire n’est pas concerné par la mesure) se détournera du breton, de l’occitan, du corse, et autres, parce que le bilinguisme français/langue minoritaire leur paraîtra bien moins intéressant que l’initiation (?) à l’anglais prévue. Deuxième conséquence pratique si les filières bilingues et immersives en langue minoritaire se mettent à l’anglais, l’apprentissage de la langue minoritaire ne peut qu’en pâtir dans la mesure où l’on réduit fatalement son volume horaire.

 

Or, les résultats des écoles Diwan, Dihun et bilingues publiques sont actuellement très mitigés en termes de formation de bons locuteurs de breton. Octroyer un volume horaire conséquent à l’anglais, c’est compromettre assez certainement l’apprentissage de langues minoritaires qui ne peuvent, pour la plupart, se baser sur la transmission familiale ou les usages sociaux.  Curieuse ironie, c’était aujourd’hui que Fañch Broudig présentait au rectorat de Bretagne son enquête sur l’enseignement du et en breton,  où pas moins de 60 préconisations sont formulées pour tenter de redynamiser l’apprentissage du breton…

 

Pour finir, j’évoquerai le reportage de France 2 de lundi midi qui illustrait cette annonce d’une généralisation de l’anglais à la maternelle. On y voyait deux classes de primaire pratiquant anglais et espagnol, des “langues vivantes” comme on dit en France, avec une approche théâtrale. Le dispositif est tout récent, s’appelle “Langues en scènes” et est appuyé par l’Education Nationale. Rien de bien excitant me direz-vous. Oui, sauf que cela se passe… au Pays Basque nord ! Et là, comment ne pas y déceler une volonté de concurrencer frontalement, et d’assécher, les filières d’enseignement du basque ? Il est vrai que la courbe toujours croissante des effectifs, et le seuil dépassé d’un tiers d’élèves apprenant le basque toutes filières confondues, doivent donner des sueurs froides aux autorités académiques. 

A la fin du reportage, les deux classes d’écoliers basques anônaient un message en choeur, en espagnol et en anglais. Moment bien pathétique pour quiconque a conscience de la situation dramatique dans laquelle se trouvent le basque et nos autres langues. Moment révoltant aussi, car tellement révélateur des coups bas que l’Instruction publique républicaine est prête à porter aux langues minoritaires. La généralisation de l’anglais dès la maternelle entre elle aussi dans cette logique…