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Décomposition française

une-affiche-pour-cliquer-sur-oui-la-bretagne.bzhCe lendemain d’élections me donne envie de reprendre la plume après un long silence et de me laisser aller à quelques commentaires totalement désabusés.

Narquois également. C’est con, mais chaque fois que le FN gravit un échelon dans son ascension du pouvoir, je ne peux réprimer une sauvage  et primaire jubilation intérieure. Cette République française tellement révérée, posée comme modèle à portée universelle, et en même temps sur le point de faire advenir l’extrême droite au pouvoir… quelle bonne tarte dans leur gueule à tous ces républicains de mes deux  !

Vient ensuite le temps de l’analyse. Climat de crise sociale et économique, crise démocratique, impuissance des politiques, bouleversements induits par la mondialisation… je ne m’attarderai pas, les médias étant saturés d’analyses du phénomène. Le FN premier parti de France. Une nouvelle digue vient de céder. 34% des jeunes qui sont allés voter ont voté pour Marine…

J’entends des gens en Bretagne qui se réjouissent du “faible” score du FN, d’autres encore qui voudraient être breton parce que nous semblons représenter un bastion réfractaire au FN. 18% !!! Score inimaginable il y a encore quelques années, multiplié par trois depuis les dernières régionales. Et il faut pourtant s’en réjouir. On s’est autocongratulé pendant des décennies en ce croyant immunisés. La Bretagne, complètement intégrée à l’hexagone, suit avec un temps de retard l’évolution nationale. On se prend la claque à notre tour.

Comment cela se terminera-t-il ? Mal. En France, plus ça va mal, plus on invoque la République et ses valeurs. Comme une divinité qu’on gratifie de prières avant une catastrophe inéluctable. La France est en phase de désintégration accélérée. Pas sa structure certes. L’Etat continue de corseter fermement la société. En revanche, cette dernière montre des signes plus qu’inquiétants d’implosion.

Et ces élections régionales, en Bretagne (la Région par excellence !), de quoi ont-elles accouché ? Une abstention d’environ 50%, au niveau de l’abstention en France. Une personne sur deux est restée à la maison alors que les Bretons sont soi-disant intéressés et concernés par “l’idée régionale”. Le pire n’est pas encore là. Sur 11 listes, une régionaliste (Troadeg) et deux nationalistes (Roblin et Deleon). Grosse déception chez les régionalistes avec 6 et quelques pour cent, loin des 10% requis pour participer au second tour. Chez les indépendantistes de gauche (“Bretagne en luttes”) et les indépendantistes du centre-droit (“notre chance l’indépendance”), ont se tire la bourre à 0,62 et 0,54%. Devancés par l’UPR de l’inénarrable Asselineau, Debout la France et LO. Je me souviens de certains militants bretons pérorant que les socialistes allaient payer cher la non réunification de la Bretagne dans les urnes… J’en souriais à l’époque !

Les enjeux nationaux ont comme d’habitude phagocyté les enjeux régionaux. La campagne a été rythmé par l’actualité nationale. L’absence d’un espace politique régional s’est une nouvelle fois faite sentir. La  scène médiatique régionale, rachitique et inintéressante, inféodée aux partis parisiens, ne permet pas l’avènement d’un espace de débat spécifique en Bretagne. Pour les jeunes générations, elle est carrément dépassée. On a là un nouveau problème qui se pose. Les jeunes ne lisent pas la presse régionale, ne regardent pas la télé régionale ni n’écoutent les radios régionales. Leur source d’information principale est internet, complétée par les médias parisiens. Ceux qui s’informent le font à l’échelle de la France, hormis exceptions. En conséquence, il devient impossible ou presque de toucher les jeunes bretons sur des questions relative à un projet politique spécifique en Bretagne. Dans ces conditions, ils ne peuvent se forger une opinion éclairée sur la question.

Au passage, je n’ai pu m’empêcher d’être dubitatif pendant la campagne devant l’énergie déployée (et l’argent dépensé) par les partisans de la liste Troadeg “Oui la Bretagne”. Les cartes postales, les affiches omniprésentes, les banderoles, les tractages… C’est sans doute dans mon canton la liste qui a déployé le plus d’énergie. Pour un résultat supérieur à 10% il est vrai. Néanmoins, je reste persuadé que ces modes de campagne sont définitivement dépassés et que le nombre de voix gagnées par ce biais est infime. Les gens ne se forgent plus une opinion par ce matériel de campagne. Le FN, qui n’a absolument rien fait dans le canton, pas une affiche, atteint lui 22%. Tout est dit. Ce sont les médias qui façonnent l’opinion.

A l’heure où l’indépendantisme flirte avec les 50% en Ecosse et en Catalogne, les bretons affichent eux un légitimisme navrant. La France coule et les Bretons s’y accrochent. Difficile de ne pas être extrêmement pessimiste sur l’évolution future de la société bretonne.

L’échec à peu près complet des listes “bretonnes” (quoique le score de Troadeg soit très honorable au vu des précédents) témoigne d’une chose essentielle. Il n’y a pas de traduction politique du sentiment identitaire breton. Il ne peut y en avoir. Les Bretons sont une minorité laminée, pour reprendre les termes de Ronan Koadig, évoluant dans un système politique parmi les plus efficaces historiquement (le centralisme français a longtemps été un modèle dans le monde qui a inspiré l’URSS communiste et l’Allemagne nazie).

La conséquence en est simple. La Bretagne est parfaitement intégrée à l’espace français et sa spécificité ne cesse de se diluer. Tout en France, que ce soit l’enseignement, les médias, l’administration, conduit à produire des citoyens déracinés, individus mobiles et interchangeables. La Bretagne du XXIe siècle tend inéluctablement à devenir une portion quelconque du territoire français. Quand on songe à l’exotisme que représentait la Bretagne pour les étrangers du XIXe !

Aujourd’hui, la langue bretonne survit en périphérie de la société et n’est qu’une abstraction pour l’immense majorité des Bretons (pour rappel, 95% des petits bretons n’ont absolument aucun contact avec la langue aujourd’hui). Quant au fameux chiffre des 90% de Breton se déclarant favorables au breton, tellement réconfortant mais tellement bidon, on constate au quotidien qu’il n’est qu’une prise de position gratuite sans aucune traduction concrète. Que des individus comme Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se positionnent similairement devrait alerter sur la vacuité d’un tel pourcentage.

La culture bretonne connait une vitalité certaine. Le problème à mon sens  est qu’elle reste cantonnée à une fraction de la société. Un exemple parmi d’autre. Le Telegramme avait fait un sondage sur les Bretons et leur pratique du fest-noz. Résultat édifiant : 80% des Bretons n’ont jamais mis les pieds dans un fest-noz. On mesure là pleinement le caractère minoritaire de la culture bretonne en Bretagne aujourd’hui. La danse bretonne est une pratique parmi d’autres comme l’est la danse country, la salsa ou la zoumba.

Là où cela me parait très problématique est que nous ne créons rien de commun dans la société. Il n’y a aucune pratique culturelle bretonne qui soit partagée par tous les Bretons. On pense à la musique et à la danse, mais on peut évoquer aussi les pratiques ludiques et sportives (gouren, palets, boules, jeux traditionnels…) qui permettent de créer du lien social. Toutes ces pratiques sont noyées au milieu de quantité d’autres. Alors qu’il faudrait hiérarchiser et valoriser les pratiques locales (en incitant les jeunes Bretons à aller vers le gouren plutôt que le judo, la boule bretonne plutôt que la pétanque…), nous n’avons pas les outils pour le faire. Dans ces conditions d’une culture bretonne très loin d’être une évidence pour les Bretons eux-mêmes, il devient extrêmement difficile de l’offrir aux nouveaux-arrivants.

Pour inverser la tendance, il faudrait au préalable régionaliser l’enseignement et instituer un bagage culturel commun à enseigner à tous les élèves aux cinq coins de la Bretagne (chansons, danses, musiques, histoire, jeux et sports…). On permettrait ainsi que les enfants qui grandissent en Bretagne aient une connaissance minimale de la culture du pays. On en est très loin. L’Education nationale reste aux commandes et une telle évolution irait contre son principe sacré d’un enseignement rigoureusement identique sur tout l’espace national. Ce serait toucher à un totem.

Que ce soit sur le plan médiatique ou sur celui de l’enseignement, nous n’avons aucun levier pour inverser la tendance actuelle d’une dilution de notre spécificité, et a fortiori susciter une conscientisation de la population sur ces questions. La jeunesse bretonne est très majoritairement française, de conscience et de culture. Elle brandit d’autant plus haut le gwenn-ha-du qu’elle n’a absolument rien d’autre pour témoigner de son sentiment d’appartenance à la Bretagne.

A cela vient se greffer une problématique que je considère comme l’aboutissement de la politique française de création d’un espace indifférencié. Jamais la mobilité inter-régionale n’a été aussi importante qu’actuellement (cf les enquêtes de l’INSEE et ses projections pour les années à venir). Et rien n’indique un ralentissement, au contraire. Avant les années 2000, la position excentrée de la Bretagne avait relativement limité ces mouvements de population qui touchaient bien plus les zones les plus dynamiques de l’hexagone.

Aujourd’hui, la Bretagne est parfaitement intégrée à ce vaste mouvement de brassage national. Ses jeunes diplômés s’en vont, des retraités prennent la place. Les métropoles bretonnes attirent des ménages et des actifs d’horizons divers, jusqu’aux campagnes qui connaissent un phénomène similaire de départs / d’installations. Le solde migratoire s’annonce dans tous les cas très positif. La conséquence est qu’une part de plus en plus importante de la population bretonne n’aura pas d’attache particulière avec la Bretagne. Un département très dynamique démographiquement comme l’Ille-Et-Vilaine ne peut que connaître à terme une baisse globale de son sentiment identitaire breton (avec les conséquences que cela comporte sur le plan du comportement politique, on le voit déjà avec un Troadeg dans l’incapacité de percer dans le pays rennais).

Le but du propos n’est pas de stigmatiser les nouveaux arrivants s’installant en Bretagne. La mobilité est un droit. Le but est plutôt de pointer les conséquences concrètes sur le plan de l’identité et de la culture bretonne d’une accélération de la mobilité inter-régionale, hyper-valorisée en France. Si les contre-exemples sont légion, il n’en reste pas moins qu’en moyenne, les gens extérieurs à la Bretagne sont moins portés à s’intéresser à la culture bretonne que les Bretons eux-mêmes. Ceci d’autant plus que notre culture n’étant guère promue officiellement, il faut faire un effort pour aller vers elle.

La conjonction de ce facteur de mobilité et des autres mentionnés plus haut (notre impuissance politique, médiatique et dans l’enseignement) me pousse à penser que notre échec est définitif. Les conditions d’un projet politique breton spécifique n’ont jamais été aussi éloignées, et le nationalisme français en pleine crispation ne laissera pas la moindre miette. Les langues de Bretagne ne se redresseront pas, le gallo sera rayé de la carte dans 30 ans et le breton continuera de végéter dans les interstices de la société. La culture bretonne continuera d’être pratiquée par une fraction de la population, l’autre lui restant complètement étrangère. Et nous subirons de plus en plus fort les soubresauts de la décomposition française.

Comme beaucoup de militants l’ont déjà mis en acte, je prône l’abandon du politique pour se replier sur le culturel afin de sauver ce qui peut l’être. Toute ambition politique et culturelle pour la Bretagne peut dorénavant être oubliée.

 

 

 

 

 

 

 

 


Veillée d’armes

bonnets-rouges-quimper-reutersPetra zo nevez e Breizh ? Tan ha moged zo e-leizh…

Le mouvement de contestation dit des “Bonnets rouges” s’apprête à connaître un nouvel épisode, avec le rassemblement festif de Karaez prévu demain. Je vais livrer ici mon point de vue sur la question.
 

Ce mouvement est largement incompris et critiqué dans la société française. Il transcende les clivages politiques normaux. Il est trop régionaliste. Trop violent aussi. La presse nationalo-parisienne a toutes les peines à le décrire. La gauche, quant à elle, dirige un feu nourri contre cette dynamique qui ne rentre pas dans sa grille de lecture. Encore plus depuis que l’extrême-droite a sauté sur l’occasion pour ranimer la contestation anti-Hollande, dans la foulée de la “manif pour tous”.

La fronde actuelle est la plupart du temps réduite dans les médias à une révolte anti-fiscale, contre l’écotaxe. Celle-ci est sans doute une bonne mesure dans l’absolu. Mais pas maintenant. Et pas en Basse-Bretagne. La mise en place d’une telle taxe, alors que les plans sociaux se succèdent à un rythme soutenu, dans l’agroalimentaire notamment, ne pouvait être comprise.

Derrière ces événements, c’est aussi la question du “modèle” agroalimentaire breton qui est posée. Ce modèle, néfaste a plus d’un titre, est en bout de course. Voir alors les agriculteurs de la FDSEA prendre une part active dans le mouvement n’est pas sans déranger.

Malgré ses contradictions et ses faiblesses internes, je suis convaincu que cette révolte est une grande opportunité pour la Bretagne et les Bretons. Peut-être que, une fois la manif de Karaez passée, le soufflet retombera. Ou à l’inverse une dynamique de contestation s’installera durablement. Dans tous les cas de figure, ce qui vient de se passer ces dernières semaines aura marqué les esprits, et ébranlé un cadre centralisateur asphyxiant.

Il faut rappeler dans quel contexte ont émergé les bonnets rouges. La droite et la gauche se succèdent à la tête de l’Etat, et rien ne change en Bretagne. La décentralisation à la française reste une farce, malgré les promesses de Lebranchu. Quelque soit la conjoncture, c’est Paris qui décide. Les droits linguistiques et culturels des Bretons, on continue de les piétiner  allègrement. La réunification, enterrée. Et puis vient la crise, avec les suppressions de poste à PSA, Alcatel-Lucent et dans l’agroalimentaire. La Bretagne, privée de toute possibilité d’agir sur son présent et son avenir, se prend en pleine face la catastrophe sociale.

L’émergence des bonnets rouges a plusieurs effets bénéfiques. Le premier, à mon sens, est d’avoir lancé un rapport de force avec le pouvoir central, à un moment où la situation semblait archi-bloquée pour la Bretagne. Certes les revendications sont disparates, et certaines discutables (quand elles vont dans le sens du maintien du modèle agricole intensif). Cependant, il se dégage aussi du mouvement la volonté de défendre un territoire, et de contester la main-mise politique de Paris. On ne peut que saluer les positions d’un Kristian Troadeg sur la question. Le slogan essentiel de “vivre, travailler et décider au pays” vient le rappeler avec justesse. L’Etat doit concéder des parcelles de pouvoir pour permettre aux Bretons d’appréhender au mieux la crise et la mutation de leur modèle agricole.

Le deuxième est d’avoir fédéré tous les secteurs de la population, à un tel point qu’on peut dire que le peuple breton (de Basse-Bretagne tout du moins) s’est véritablement mis en branle. La démonstration de force identitaire à Kemper en a témoigné. Elle a passablement heurté en France, et c’est heureux. L’unité affichée et la spécificité identitaire affirmée ont rappelé à la France, à ses élites jacobines, que la Bretagne n’est pas juste une région administrative comme les autres. Les Bretons sont attachées à leur région comme nulle part ailleurs. Le peuple breton n’est pas mort.

Il est fort possible que ce mouvement ne débouche sur rien de concret, tout du moins en terme d’avancées politiques pour la Bretagne. Quelques centaines de millions d’euros de l’Etat, des plans de reprise, ajoutés au futur pacte d’avenir, suffiront sans doute à désamorcer la fronde. Toutes les forces républicaines (syndicats au premier rang) sont déjà à l’oeuvre, pour préserver leur “modèle” républicain hyper-centralisé et éteindre le feu “régionaliste”. Rien n’aura alors véritablement changé ici. La Bretagne restera un nain politique, le modèle agroalimentaire intensif survivra sous perfusion, la crise continuera de dévaster notre tissu social, et les Bretons seront invités à aller chercher du boulot à Paris…

Non, normalement rien ne devrait changer. Mais au moins les bonnets rouges auront-ils eu l’immense mérite de nous sortir un temps de notre résignation.


Contre l’évidence

“Quimper 2011 Ensemble tout simplement”
 
 

Voilà l’affiche qu’a sortie la mairie de Kemper pour les voeux 2011 ! Comment mieux résumer notre négation ? Ortographe francisée de Kemper, slogan à deux balles sur le vivre ensemble, aucun mot de breton… et ces deux drapeaux français, agrandis pour l’occasion, énormes, hideux, puants. Nous Bretons n’existons pas dans cet “ensemble” invoqué et imposé, à moins de nous renier totalement en tant que Bretons, de renier notre spécificité. Voici la morale de l’histoire dans cette République qui nous condamne à vivre marginalement notre culture au nom de sa communauté nationale. Voici la morale de l’histoire dans cette République qui par tous les moyens cherche à nous imposer son identité et ses symboles nationaux.


 L’intégration de la Bretagne et des Bretons à l’espace français est désormais presque totale. Si la spécificité bretonne a traversé les siècles, l’obsession républicaine pour l’uniformité en est finalement venue à bout. Le peuple breton a été dissout dans le creuset national, broyé par un redoutable centralisme. L’histoire de Bretagne, les langues bretonne et gallo, la culture populaire, les enjeux politiques bretons, une conscience collective, sont autant d’inconnues pour une population bretonne, et plus encore pour une jeunesse bretonne dont la cuite est devenue le principal marqueur identitaire affiché. Le phénomène d’identité négative s’est certes retourné en identité positive, mais cette identité ne repose plus sur rien. Une identité de pacotille en somme.

 

 On brandit d’autant plus haut le gwenn-ha-du qu’on est de plus en plus ignare de tout ce qui constitue la singularité bretonne. Ne parlons même pas d’une quelconque réflexion sur la Bretagne en tant qu’entité politique autonome, nous en sommes à des années-lumières. La réussite de l’Etat dans son entreprise de déracinement à grande échelle est telle qu’elle s’est faite sans résistance majeure, dans un climat général de passivité et d’acceptation de l’ordre républicain imposé. 


Le Républicanisme français, comme le système capitaliste, est présenté par ses promoteurs comme un horizon indépassable, seul garant de nos libertés pour l’un, de notre confort matériel pour l’autre. L’un comme l’autre, ils tentent par tous les moyens de s’auto-légitimer, de se donner un caractère d’évidence pour mieux susciter la passivité et la résignation. L’Etat français et le capitalisme sont parvenus à ce stade où presque plus personne ne songe sérieusement à les remettre en question. Dans ce  cadre, prôner la rupture avec la France, comme prôner la sortie du capitalisme, est perçu comme aller contre l’intelligence et la Raison, comme aller contre le bon sens et le sens de l’Histoire.

 Il faut pourtant s’élever contre ces évidences qui tentent de marquer nos existences au fer rouge, de nous faire rentrer dans le rang et d’exiger notre obéissance définitive. Le désastre social et écologique mondial montre que l’avenir de l’humanité ne pourra se faire qu’en dehors du capitalisme. Le désastre sociétal et culturel français met au jour l’arnaque républicaine. Le capitalisme, il faut en sortir d’urgence. L’Etat français, il faut le miner de l’intérieur et le faire exploser. Ce sera notre juste vengeance à nous,  populations indigènes laminées par la République. Et dans ce combat, comme l’indique la mercuriale de janvier du site Contreculture.org, nous ne pouvons que nous rapprocher du combat pour le multiculturalisme que mènent les musulmans de France contre la laïcité assimilatrice.  


Bretagne indépendante

Blog Bretagne indépendante

L’ambition de ce blog est de diffuser l’idée d’un indépendantisme breton nourrit de valeurs de gauche. Cet indépendantisme, plutôt qu’un véritable projet politique (qui ne serait qu’illusoire au vu de la situation actuelle), est un cri de révolte contre la domination qu’exerce l’Etat français sur les Bretons. A l’opposé d’une démarche d’exclusion ou de repli sur soi, il doit se comprendre comme une volonté de jeter les bases d’une réappropriation par les Bretons de leur passé, de leur présent et de leur futur, en renversant l’Etat français et ses idoles.

La naissance de ce blog répond aussi à un constat. L’extrême-droite bretonne tend actuellement à s’accaparer l’idée d’indépendance (voir l’invasion de sites et blogs de cette mouvance : Adsav, Novopress, Kadarn…), pendant que l’extrême-droite française cherche à investir l’identité bretonne par l’intermédiaire du mouvement dit « Identitaire ». Il importe de dénoncer ces récupérations, parce qu’elles viennent conforter les préjugés commodes et nourrissent les amalgames ayant cours en France sur les liens automatiques entre lutte nationalitaire, repli sur soi et xénophobie.


L’indépendantisme breton, marqué de surcroît du stigmate de la collaboration d’une part importante du mouvement breton pendant la 2ème guerre mondiale, ne doit pourtant pas être réduit à ces dérives extrême-droitières. Il est impératif pour cela de l’inscrire dans la lignée des Emile Masson, Yann Sohier, Xavier Grall, et de tous ceux qui ont concilié dans leur engagement la défense du peuple breton et les valeurs de gauche. Cela signifie aussi articuler combat pour la Bretagne et lutte contre le capitalisme, pour une justice sociale et une solidarité les plus étendues possibles (qui n’a rien à voir avec la solidarité bureaucratique que l’Etat français promeut dans l’Hexagone).


A l’origine du sentiment indépendantiste, en Bretagne comme dans beaucoup d’autres endroits du globe, on trouve le mépris. La France n’a jamais respecté notre spécificité linguistique, culturelle, historique, tout en nous privant de la plupart des moyens de mener collectivement nos existences. A la domination politique et économique totale, à l’imposition d’un modèle régional de développement destructeur (agriculture productiviste et pollution des eaux, industrie du tourisme prédominante, absence de développement local, fuite des cerveaux et aspiration des jeunes par Paris, déséquilibres territoriaux, problème du logement sur les côtes…), s’ajoute la négation de notre identité et la lutte sans merci contre notre spécificité linguistique, culturelle et historique. La domination française fait des Bretons une communauté privée de son passé, de son présent et de son avenir.


Le désir d’indépendance est mu par une volonté de ne pas disparaître en tant que communauté culturelle spécifique, de refuser le sort qui est promis en France à tous les peuples non-francophones : la dissolution. Nous sommes dans la même galère, et donc intensément solidaires, de tous les autres peuples sous domination française : occitan, corse, basque, alsacien, catalan, guadeloupéen, martiniquais, kanak, réunionais, polynésien, etc. Et solidaires des Français eux-mêmes, étant entendu que le centralisme de leur Etat est à eux comme à nous, à des degrés différents, une calamité.

 

La France a de très longue date l’obsession de l’unité (« La République est une et indivisible », continuent de proclamer les républicains français, dans la droite ligne des révolutionnaires de 1789). Les langues autres que le français ont toujours été considérées comme des obstacles à l’avènement de la nation française, et stigmatisées comme des entraves au progrès. A ce titre, elles ont été combattues au point qu’aujourd’hui, la quasi-totalité des langues de l’Hexagone est en état de mort clinique (avec dans chaque cas une transmission familiale résiduelle et un usage social en chute libre). D’ici 20 ans, le gallo et le breton n’existeront plus en tant que langues véhiculaires (alors qu’à n’en pas douter, si les Bretons s’étaient trouvés, au gré des aléas historiques, dans l’Empire Britannique, en Allemagne, en Italie, ou encore en Espagne, ces langues connaîtraient aujourd’hui une tout autre vitalité).


L’hostilité envers les particularismes, la lutte contre les langues minoritaires, le mépris envers les cultures populaires, sont des traits caractéristiques de cette République qui a érigé l’égalité, confondue avec l’uniformité, en valeur suprême. De façon générale, les grands principes généreux de cette République à prétention universelle ont justifié un ingénieurisme social (et la colonisation, soit dit en passant) qui n’a eu pour autres conséquences qu’atomiser la société, anémier la démocratie locale, déliter le lien social et déraciner les Français pour en faire des individus mobiles et interchangeables. Les grands principes émancipateurs énoncés lors de la Révolution n’ont que rarement dépassé le stade des intentions.

 

La revendication indépendantiste, en ce qu’elle récuse le pouvoir français, paraît être une anomalie étant donné le culte voué à l’Etat unitaire en France. La France s’auto-persuade depuis plus de 200 ans d’être le phare de l’Humanité, et l’Etat français est considéré par beaucoup de gens comme le seul garant des Droits de l’Homme, de l’Egalité, de la Liberté et du Progrès social. Le gouffre entre ces proclamations et la situation réelle en France en ce début de XXIe siècle démontre qu’on a plus affaire à des slogans creux qu’autre chose. Pourtant, la société française continue d’adhérer à ce mythe d’une France incarnation du Progrès humain, et considère l’organisation hypercentralisée actuelle comme un précieux leg historique et un horizon indépassable.


Oeuvrer pour l’indépendance de la Bretagne doit se comprendre comme une réaction à ce cadre idéologique et politique étouffant, à cette imposition d’une identité nationale unique au détriment de la diversité des langues et des cultures. C’est la révolte légitime d’un nationalisme minoritaire face à un autre nationalisme, majoritaire celui-là, qui se drape dans les idéaux de l’universalisme pour ne pas dire son nom. Un principe comme l’unité et l’indivisibilité de la République ne relève en rien d’un quelconque progrès humain, il n’est que l’expression d’un chauvinisme se confondant avec une perspective universaliste. Le nationalisme français irrigue ainsi, à des degrés divers, tout le spectre politique français, de l’extrême droite à l’extrême gauche.


A la suite de George Orwell, nous pensons que le nationalisme est intrinsèque aux sociétés humaines : « Le nationalisme est sans doute désirable, jusqu’à un certain point ; en tout cas il est inévitable ». Le nationalisme minoritaire est d’autant plus justifié qu’il est une réponse à une domination, à une agression d’un nationalisme majoritaire. Il a une composante émancipatrice qui réside dans la suppression d’une situation de domination politique, économique, linguistique, culturelle. Cependant, conscient des atrocités commises en son nom, le nationalisme doit être fermement orienté dans la direction opposée à celle de son pôle extrême-droitier, xénophobe et raciste.


Plus généralement, un nationalisme minoritaire raisonné doit veiller à ne pas copier son maître, le nationalisme majoritaire. Pour cela, il requiert de prendre le contrepied des dérives centralisatrices et homogénéisatrices de la culture politique française, tout en refusant de façonner nos propres mythes pour remplacer ceux du pouvoir français. Il est hors de question de passer d’une mythologie à une autre, d’ériger en valeur suprême la nation bretonne, de recourir à une vision mythifiée du passé de la Bretagne, ou encore de sacraliser l’identité bretonne.


Au cœur de ce nationalisme minoritaire ce trouve le besoin de reconnaissance de notre identité collective en tant que Bretons. A l’étouffement républicain, nous voulons substituer un cadre politique qui permette une réappropriation par les Bretons de leurs vies, de leurs territoires, de leurs cultures et de leurs langues. Nous voulons la possibilité de nous réaliser en tant qu’individus appartenant à une communauté reconnue, soucieuse de son environnement et de son ouverture sur l’extérieur. Cela ne peut qu’amener à soutenir les revendications prenant en compte le « fait breton », comme le fédéralisme étatique (Mouvement Fédéraliste de Bretagne) ou a-étatique (CBIL), l’autonomie (Les Verts, l’UDB), l’indépendance (Breizhistance).

 

Les identités locale et universelle sont complémentaires et non contradictoires. Ceci, les Républicains ne l’ont jamais compris, et ne voudrons jamais le comprendre. La citoyenneté française, aussi belle soit-elle dans les principes, n’a causé que souffrance et reniement de soi pour tous ceux qui diffèrent de la norme linguistique et culturelle véhiculée par l’école, les médias et l’administration. Les peuples historiques de l’hexagone étant en phase terminale de digestion par la République, le modèle d’intégration républicain se tourne maintenant vers les populations immigrées et met en œuvre le même traitement de choc, le même mépris envers l’individu culturel : l’assimilation complète et le rejet de son altérité.


C’est contre cette logique d’uniformisation que doit s’élever l’indépendantisme breton, cri de résistance qui signifie au monde notre existence. Bien plus, notre insoumission à l’Etat français est notre contribution à une conception plurielle et fraternelle de l’Humanité.

…INDEPENDANCE !!!



PS : Nous n’avons aucune volonté d’être porte-parole d’un quelconque mouvement, ou de soutenir en particulier une organisation politique (même si certaines recueillent notre sympathie). Simplement, nous espérons que les personnes de même sensibilité que la nôtre, ou de sensibilité proche, trouveront matière à approfondir leur réflexion. Nous espérons aussi susciter une certaine compréhension chez la plupart de ceux que l’idée de Bretagne indépendante horrifie ou horripile d’emblée. Les idées exprimées ici ne sont certes partagées que par une petite minorité en Bretagne. Mais le nombre ne fait pas la légitimité d’une cause. D’autres que nous sont plus avancés sur la voie de cette conscientisation, et nous indiquent des pistes à suivre : la Kanaky, la Guadeloupe, la Corse, le Pays Basque particulièrement.