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Nationalisme ?

Le 11 mai dernier, les Français élisaient leur nouveau monarque après une campagne électorale où il aura été fréquemment question de nationalisme avec l’accession de Le Pen au second tour. Une semaine plus tard, la Fête nationale de la langue bretonne se déroulait à Langoned, avec une assistance bien éloignée des 12 000 personnes comptabilisées en 1997. A l’occasion d’un débat organisé lors de la fête, il est rapporté que certaines personnalités appelèrent à une “fête internationale de la langue bretonne”.

 

La dimension “nationale” de la fête, assumée par les organisateurs, dérange. Rien de bien étonnant à cela. Le concept de nationalisme est connoté très négativement en France et est systématiquement associé à la droite extrême. Nombre de commentateurs ont, pendant la campagne, ciblé Marine Le Pen et “son nationalisme“. S’est ainsi imposée l’idée dans le paysage politico-médiatique français que le nationalisme est une doctrine d’extrême-droite. La progression des nationalistes corses, perçue en France avec une très grande suspicion, ne fait que conforter cette connotation négative dans l’imaginaire français.

 

Le mouvement breton, ce qu’il en reste du moins, tend à s’aligner sur ce sens commun et à renier sa dimension nationale. Au siècle dernier, le nationalisme breton, multiforme car de droite mais aussi de gauche, avait connu une montée en puissance certaine qui ont abouti à un certain nombre de réalisations. Il est aujourd’hui évanescent, tout comme l’Emsav politique, et ce n’est pas un hasard. Nous refoulons notre nationalisme et subissons défaite électorale sur défaite électorale au moment même où les Corses, les Basques, les Ecossais et les Catalans le brandissent en étendard victorieux. Destins croisés.

 

Cette conscience nationale qui s’amenuise en Bretagne n’est donc pas sans conséquence. Sur le plan politique évidemment, les Bretons continuent dans les urnes d’approuver un système hyper-centralisé qui lèse la Bretagne et profite d’abord à Paris. Sur le plan identitaire, on assiste à l’élargissement d’une identité bretonne de pacotille ne reposant plus que sur du vent (une part de plus en plus grande de la population n’a strictement aucune connaissance de l’histoire de Bretagne, de sa culture, particulièrement de sa langue). Sur le plan linguistique justement, la réappropriation de la langue bretonne piétine et le déficit de conscience nationale collective et individuelle chez les acteurs du renouveau de la langue y contribue. J’en veux pour preuve le manque d’entrain de la nouvelle génération de bretonnants à utiliser le breton au quotidien et à le transmettre en famille.

 

Le Pays basque (sud) est un bon étalon de comparaison. Il y existe une corrélation très forte entre connaissance du basque et conscience nationale. Contrairement aux zones non-bascophones, bien moins conscientisées, la zone bascophone centrale est un véritable bastion du nationalisme basque. L’attachement à la langue, à la culture et à l’identité basque y est très puissant et généralisé. Le comportement électoral s’en ressent avec une domination sans partage des partis nationalistes au niveau local, soit orienté à gauche (Sortu), soit à droite (EAJ-PNV).

 

Si la revendication bretonne, politique et culturelle, est aussi insignifiante aujourd’hui, c’est d’abord parce que le nationalisme breton a reflué. L’Emsav n’a pas réussi, contrairement aux Corses, à proposer au peuple breton une voie nationaliste convaincante. Ne serait-ce que dans les mots, plus beaucoup de militants (à gauche particulièrement) n’assument ouvertement le qualificatif de nationaliste (tout comme celui d’indépendantiste d’ailleurs, les deux sont liés). L’étiquette “régionaliste” se développe, et c’est tout sauf un hasard, montrant notre difficulté à assumer une revendication plus radicale. Le sens commun français est en passe de domestiquer la Bretagne révoltée.

 

Revenons maintenant sur cette conception française du nationalisme, considérée dans le langage courant comme apanage de l’extrême-droite. On a envie d’en rire, tellement la campagne présidentielle a montré à quel point le nationalisme est en réalité une doctrine partagée par l’ensemble du spectre politique français, à des degrés divers certes mais globalement de plus en plus décomplexée.

 

L’écrivain et militant basque Jean-Louis Davant vient justement de sortir un livre en basque à propos de ce nationalisme français non assumé par le système politico-médiatique actuel, mais aussi par le français moyen (Frantzia eta nazioa, éditions Maiatz, mai 2017). Ecoutons-le décrire en français cette véritable schizophrénie française :

Dans le livre en question j’essaie d’explorer les arcanes d’un nationalisme français classique, nationalisme profond, inconscient et tranquille : sources, bases, contenus, attributs, conséquences, retombées…

Au terme du voyage, j’ai découvert en statue du Commandeur la figure paradoxale du Français moyen qui me laisse perplexe.

Imbu de principes universalistes, il est souvent un hyper-nationaliste qui s’ignore. Son raisonnement baigne dans l’universel. Il est le prototype de l’homo universalis, le cartésien et l’adepte des Lumières, l’inventeur des Droits de l’homme et du citoyen, le précurseur en tout, donc le modèle à suivre.

Quand il nous dit de façon pathétique : “Mais enfin, soyez comme tout le monde”, cela signifie concrètement et naïvement “soyez comme moi”.

En 1789 il proclama LA Nation universelle, mais la communauté qu’il bâtit est forcément comme toute autre une nation particulière, avec un ancêtre ethnique, le Gaulois, et une langue régionale, celle de Paris, très minoritaire dans le royaume de France qui, bientôt, sera LA République, également universelle.

Il a du mal à saisir le patriotisme des autres peuples, surtout sans Etat : il l’appelle nationalisme.

 

Ce peuple est tellement imbu de lui-même qu’il en vient à nier l’évidence, comme celle de la montée du nationalisme français, chez son personnel politique mais aussi dans toutes les strates de la population. L’alternative est alors la suivante. Soit dénationaliser la question bretonne et la ramener à une simple problématique régionale, avec le risque de diluer la revendication bretonne pour de bon. Soit assumer un véritable nationalisme breton, de défense de notre identité face à ce nationalisme français inavoué, et en même temps ouvert aux évolutions actuelles du monde.

 

 

 

 


La presse à la botte, la preuve par l’exemple

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Il n’est pas un jour maintenant sans tribune et communiqué à propos de la réforme territoriale. La tribune des “maires de l’ouest” parue lundi, appuyant la fusion Bretagne-Pays de la Loire, a déclenché une salve de réactions chez les partisans de la Bretagne historique (Bretagne Réunie, 44=Breizh, les bonnets rouges, Kevre Breizh, BZH network, Produit en Bretagne, etc). Les politiques les plus en vue sur le dossier ont également contre-attaqué, de (très) belle manière : les élus EELV, Marc Le Fur et le président du Conseil régional de Bretagne Pierrick Massiot. La lettre ouverte de ce dernier, intitulée Lettre à la Bretagne, est en tout point admirable. Elle est parue mardi dans la presse régionale bretonne.

 

On va constater qu’il est très instructif de comparer sur internet le traitement par les médias régionaux des tribunes respectives des “maires de l’ouest” et de Massiot. Lorsque l’on tape “maires de l’ouest fusion bretagne pays de la loire” dans google, voici les liens des médias et collectivités apparaissant en première et deuxième page :

Libération

France 3

Le Parisien

Ouest-France

France 3 Bretagne

Nantes Métropole

Le Telegramme

France 3 Poitou Charentes

Metronews

France 3 Pays de la Loire

Le mensuel de Rennes

Presse Océan

La gazette des communes

Ceci sachant que la tribune des quatre barons est publiée sur le site internet de Ouest-France, avec un article supplémentaire détaillant les arguments de ces-dits élus.

La même opération en tapant “Pierrick Massiot Lettre à la Bretagne” dans Google donne ceci :

7seizh

Le Parisien

France3 Bretagne

Bretagne.fr

44Breizh

Bretagne Réunie

On constate un traitement médiatique complètement inégal, en faveur des “maires de l’ouest”. Ouest-France et Le Télégramme, sur leurs sites internet, ne consacrent pas une page, pas une ligne à la tribune de Massiot. Si cette lettre ouverte n’avait pas été diffusée sur le site de la région, et reprise par les mouvements pro-réunification, elle n’existerait pas sur internet. Par ailleurs, aucun média présent en Loire-Atlantique n’a relayé l’existence de cette tribune (ni France 3 Pays de Loire ni Presse Océan ; pour la version départementale de Ouest-Torch, on leur fait confiance pour ne pas avoir publié la tribune). On prend là conscience du mur médiatique patiemment érigé entre Bretagne et Loire-Atlantique.

 

Ah, au fait, on se demandait aussi pourquoi Cuillandre défendait la fusion Bretagne-PDL, alors qu’un tel découpage renforcerait nécessairement la position excentrée de Brest. On vient de comprendre pourquoi. L’édile s’est fait élire lundi pour deux ans à la présidence du pôle métropolitain Loire-Bretagne (un machin qui met en réseau les métropoles des deux régions). On lui a fait son petit cadeau, le voilà bien au chaud.

 

Pour rappel, la liste des “élus de Bretagne” (tous socialistes) opposés à la réunification de la Bretagne historique, tout autant qu’à la proposition d’une Assemblée de Bretagne fusionnant les conseils généraux et le conseil régional :

Marylise LeBranchu (ministre à la fonction publique)

Pierre Maille (président du CG du Finistère)

Jean-Louis Tourenne (président du CG de L’Ile et Vilaine)

Claudy LeBreton (président du CG des Cotes d’Armor)

Bernard Poignant (conseiller du président)

François Cuillandre (maire de Brest)

Emmanuel Couet (président de Rennes métropole)

Johanna Rolland (maire de Nantes)

Nathalie Appéré (maire de Rennes)

David Samzun (maire de Saint Nazaire)

 

 

Des rassemblements sont prévus samedi à 16h00 à Brest et Nantes pour dénoncer ce déni de démocratie.

 


La réunification de la Bretagne enterrée ?

GenaouienLa belle brochette de connards.

 

C’était évidemment trop beau. Il fallait se douter que les réseaux jacobins allaient réagir devant la perspective d’une réunification de la Bretagne historique. Pour l’idéologie républicaine, et ses nombreux laquais, la résurgence d’une telle entité historique représente une véritable abomination, la menace incarnée de l’unité du pays et de son fonctionnement hypercentralisé.

 

Pourtant, on pensait il y a quelques semaines assister à un véritable tournant historique. C’était d’abord les annonces sur l’accélération de la réforme territoriale et la réduction du nombre de régions. Puis, le magazine Challenges se procurait la carte à l’étude au ministère de l’intérieur. La Bretagne y est réunifiée. Et là, on se dit que le miracle est à portée de main. La manifestation de Nantes reçoit un écho médiatique important. Le conseil régional de B4 réitère officiellement la demande de rattachement de la Loire-Atlantique. Un sondage annonce que les Bretons sont partisans d’un rattachement de la Loire-Atlantique, et que les “Ligériens”(c) sont les moins favorables à l’unité de leur région. Les médias nationaux parlent du sujet. Beaucoup de signaux sont positifs.

 

Puis est venue la riposte. C’est France 3 Pays de Loire d’abord, subventionnée à hauteur de 300 000€ par an par la région PDL, qui fait purement et simplement disparaître un sondage sur son site internet indiquant 95% de votes favorables au démembrement des PDL. Jacques Auxiette ensuite multiplie les gesticulations pour défendre le périmètre de sa baronnie. Pour ce faire, il convoque le ban et l’arrière-ban des élus et autres subventionnés de la région des Pays de la Loire, pour vanter les réussites et la dynamique régionale. Une campagne de pub dans les médias nationaux, pour la somme de 300 000 €, dénonçant le démembrement annoncée de la région PDL, est ensuite lancée, en même temps qu’un site internet dédié. A cela s’ajoute les multiples interventions dans les médias locaux, à la botte, au premier rang desquels Ouest-Torch. Dernière bouffonnerie en date, avec la complicité de la sinistre ministre de l’environnement Ségolène Royal, l’annonce de la mise à l’étude de la fusion des régions PDL et Poitou-Charentes.

 

Si ce n’était que ça. Les réseaux jacobins de Bretagne se sont alors mis en ordre de bataille. Pierre Maille, Claudy Lebreton et Jean-Louis Tourenne, respectivement présidents des conseils généraux du Finistère, des Côtes d’Armor et de l’Ille et Vilaine, furent les premiers à dégainer. Leur tribune, destinée à sauvegarder leurs baronnies respectives, prenait explicitement position contre un redécoupage “identitaire” (entendre la réunification de la Bretagne) et pour l’Ouest, fusion de la Bretagne et des PDL. Bernard Poignant suivait de peu, lui l’ennemi acharné de la Bretagne et désormais conseiller à plein temps de Hollande depuis que les Kemperiz l’ont saqué, avançait l’idée encore plus farfelue d’une région “Ouest-Atlantique” comprenant Bretagne, PDL et Poitou-Charentes. L’idée a sans doute l’avantage à ses yeux de diluer davantage la Bretagne, jusqu’à en effacer le nom.

 

Hier enfin, alors que le journal La Tribune annonce le renoncement de Hollande à démembrer la Pédélie, vient d’être tirée la dernière salve. Les maires des quatre plus grandes villes de Bretagne, Nathalie Appéré pour Rennes, Johanna Rolland pour Nantes, Francois Cuillandre pour Brest et David Samzun pour Saint Nazaire, accompagnés du président de Rennes Métropole, Emmanuel Couet, battent le tambour et proclament à l’occasion d’une conférence de presse impeccablement relayée par la presse, leur voeu d’une fusion Bretagne-Pays de Loire. L’argumentaire relève du discours technocratique actuel sur la nécessité d’un développement des “métropoles” : on parle d’interconnexions et de réseaux entre grandes villes, de leur rôle en tant que locomotives, etc. Le reste du territoire, ils s’en foutent. Ou ils font semblant de s’en soucier. Ce qu’il leur faut à ces nouveaux caciques, c’est un cadre régional bien mou, bien flasque, pour bénéficier de la marge de manoeuvre la plus large possible. Et quand ils parlent de “solidarité territoriale”, il faut entendre développement forcené des métropoles et territoires ruraux à la remorque.

 

Laissons le mot de la fin à Johanna Rolland, jeune maire socialiste de Nantes adoubée par Jean-Marc Ayrault :

« Nous l’avons vu lors des dernières élections (européennes, NLDR), il devient urgent de rapprocher le politique et le citoyen. C’est à nous, élus locaux, de mettre en place cette réforme sans qu’elle ressemble à un espèce de mécano institutionnel compliqué ».

Et bien oui, chez les jacobins du PS, c’est comme ça que ça marche. Quand on veut rapprocher le “politique du citoyen”, on s’assoit sur l’opinion publique, largement favorable à la réunification de la Bretagne, et on invoque les fameuses et fumeuses coopérations interrégionales Bretagne-Pays de Loire. L’élection européenne vient de leur mettre une claque, mais visiblement ils n’en ont pas encore assez.

 

Du sac les socialos !


Les 2 milliards du pacte d’avenir ? L’arnaque…

Ayrault

On saura gré au Telegramme d’avoir démasqué la supercherie du Pacte d’avenir pour la Bretagne. Les 2 milliards d’euros annoncés en grande pompe ne sont en fait que du flan. Ce sont soit des crédits déjà prévus et attribués, soit de l’argent prêté par la banque publique d’investissement, soit des subventions européennes somme toutes modiques puisque inférieures par exemple à ce que perçoit la Basse-Normandie. La conclusion d’Alain Le Bloas est  sans appel :

Il n’en reste pas moins que l’effort de l’État est réel, même s’il est (très) inférieur à ce qu’il semble vouloir faire croire. De-ci de-là apparaissent quelques coups de pouce, parfois annoncés comme « supplémentaires », au profit du logement, du soutien aux îles ou de l’enseignement supérieur. Mais tout cela se chiffre en dizaines de millions et on reste bien loin du milliard…

 

Il est intéressant de regarder qui étaient les acteurs politiques “bretons” consultés lors des réunions précédant l’élaboration du pacte. Point de bonnets rouges là-dedans, c’étaient en fait les petits copains socialistes du B16 qui ont devisé de l’avenir de la Bretagne. Il faut rappeler qu’on trouve dans cette instance les présidents du conseil régional et des conseils généraux, les maires des grandes villes et les présidents des grosses communautés de communes. La plupart sont donc socialistes, et on y trouve une belle brochette de jacobins (Pierre Maille, François Cuillandre, Claudy Lebreton, Daniel Delaveau…) attachée à ce que la Bretagne reste une entité administrative commandée depuis Paris et administrée sur place. On ne devait évidemment rien attendre de leur part. L’absence de volet politique dans le pacte d’avenir en est la confirmation éclatante. Ces individus sont prêts à tout pour maintenir le statu-quo politique.

 

En tout cas, la discipline de parti fonctionne à merveille, et ces pontes du partis socialiste en Bretagne ont maintenant enfourché leur cheval de bataille pour défendre le pacte d’avenir. En espérant se payer notre tête. Le retour du bâton risque de leur être douloureux.

 


Le gallo… contre le breton ?

Langues_d'oïl

 

Les désillusions s’enchaînent pour les défenseurs des langues dites « régionales ». Le président Hollande renonce à son engagement de campagne No 56 sur la ratification de la Charte des langues régionales et minoritaires, la loi de refondation de l’école de Vincent Peillon les « oublie »… Enfin, ces déconvenues ne sont désillusions que pour les candides qui comptaient sur un printemps des langues « de France ». On n’en prend pas le chemin. Les pessimistes de mon acabit ont une nouvelle fois raison. Et nous sommes un certain nombre à ne jamais y avoir crû, à ces promesses de la gauche française. Mitterrand en a vacciné plus d’un. Le constat que la République « Une et indivisible » et la diversité linguistique sont antithétiques est, je pense, d’une implacable lucidité.

 

Dans ce contexte de blocage, il ne me semble pas inintéressant de se pencher sur le gallo, dont le militantisme gagne légèrement en visibilité. La reconnaissance officielle par la Région du breton et du gallo comme « langues de Bretagne » en 2004, a, de ce point de vue, été un formidable encouragement pour les militants du gallo. Ces « langues de Bretagne » étant placées strictement sur le même plan, le terrain est prêt pour des revendications tendant  à copier ce qui se fait pour la langue bretonne (création d’un Office de la langue gallèse, mise à égalité du gallo et du breton au conseil régional et dans les conseils généraux de la zone gallèse, mise en place d’une signalisation en gallo sur toute la Haute-Bretagne, etc.).

 

Cette reconnaissance du gallo comme « langue » et la montée de revendications ad hoc, portées par un réseau militant très restreint, est je pense problématique. Une des personnalités de l’Office de la langue bretonne, Olier ar Mogn, avait tenté dans un texte écrit en 2000 d’interroger cette mise à égalité du breton et du gallo, qui déjà semblait poindre. Tout en refusant de qualifier le gallo de langue, il met en garde, à juste titre je pense, sur les implications en termes de politique linguistique qu’engendrerait une promotion du gallo au niveau du breton.

 

Cette affirmation [d’une Bretagne trilingue français-breton-gallo] qui, au premier abord, peut paraître anodine et inspirée par des principes de tolérance, est en réalité lourde de sens et porte en soi des implications politiques fondamentales en terme de gestion des langues dont beaucoup ne souhaitent pas prendre toute la mesure. En effet, qui dit langue dit politique linguistique ou, en d’autres termes, traitement par le politique des aspects linguistiques dans le domaine public. C’est bien en raison de ces aspects d’aménagements linguistiques que la charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales ou minoritaires fait explicitement le distinguo entre langue et dialectes. 

 

La cinglante réponse de l’association Bertaèyn Galeizz base son argumentation sur des linguistes pour clore tout débat. Le gallo est une langue, les travaux des linguistes le prouvent, donc la promotion du gallo au même rang que le breton est justifiée. L’enjeu est important, comme le reconnait elle-même l’association Bertaèyn Galeizz :

 

Olier ar Mogn affirme que le gallo est un dialecte du français et non une langue à part entière. Cette “querelle de mots” peut sembler anodine et accessoire. Elle a pourtant toute son importance quand il s’agit de mener une politique linguistique. 

 

Eriger le gallo au statut de langue « à part entière », différente du français, est donc essentiel pour les militants gallos. Par un certain mimétisme avec le nationalisme bretonnant, et bénéficiant d’ailleurs de la dynamique de celui-ci (le gallo est par exemple le seul idiome d’oïl reconnu par l’Education nationale), la tâche est de convaincre que le gallo est la deuxième langue nationale de Bretagne, épousant d’ailleurs sa frontière orientale. Pour cela, on a développé une graphie ad hoc, dite ELG, véritable orthographe frankenstein, tellement peu déchiffrable à partir du français qu’on a effectivement l’impression d’une langue très éloignée, voire étrangère.

 

La pormóvauncz deü galo dan la viy foraenn est yunn dez permyaerr reconaesauncz dez cauzór de galo, unn laungg q’a taéy ben de tro anhoedaéy.
Admaézoe il póron vantyaer y-éstr faraud de lór laungg an Bertaèyn e cauzae cóm ça lór cheit.

 

A comparer avec  un gallo écrit avec une orthographe francisante (passage pris au hasard dans un des livres de Daniel Giraudon), dont la compréhension ne présente guère de difficultés :

 

J’ai veue la comet, j’oulais pas la verre, j’avais pou qu’ell aurait chèye su’ maï, c’était en 14 avant la guerre. Y disaient qu’étaient une bête que la queue lui traînin à bas.

 

Gallo, langue d’oïl ou dialecte de la langue d’oïl ? La nuance est effectivement fondamentale, et pour Bertaèyn Galeizz et les autres militants du gallo, il n’y a plus de discussion possible. C’est désormais une vérité incontestable que de qualifier le gallo de langue. A l’appui de leur assertion, un Manifeste des Universitaires et des Chercheurs en faveur des langues d’oïl (2000), dont fait partie la linguiste renommée Henriette Walter.

 

Les langues minoritaires d’oïl, très distinctes du français standard, mais plus proche de lui que l’occitan et le franco-provencal, sont parlées au nord d’une ligne qui part de la Gironde, contourne le Massif Central et va en s’incurvant jusqu’au nord de la Franche-Comté.

 

Le rapport du linguiste Bernard Cerquiglini est également invoqué. Pour mémoire, ce rapport avait été commandité en 1999 par le gouvernement Jospin en vue de lister les langues devant bénéficier de la ratification de la Charte des langues régionales et minoritaires. Il avait ensuite été avalisé par la Direction Générale à la Langue Française et aux Langues de France en 2001.

 

Il en découle également que l’écart n’a cessé de se creuser entre le français et les variétés de la langue d’oïl, que l’on ne saurait considérer aujourd’hui comme des “dialectes du français” ; franc-comtois, normand, gallo, poitevin-saintongeais, bourguignon-morvandiau, lorrain doivent être retenus parmi les langues régionales de France ; on les qualifiera dès lors de “langues d’oïl”, en les rangeant dans la liste.

 

Il serait donc désormais scientifiquement admis que le gallo est une langue, et Bertaèyn Galeizz ne se prive de railler ceux qui en douteraient (« Le gallo est une langue d’oïl et personne de sérieux ne le conteste »). Il semblerait pourtant que cela ne soit pas aussi simple. L’article Wikipedia portant sur la langue d’oïl se garde d’ailleurs de trancher complètement (« On rencontre le terme langue d’oïl aussi bien au singulier qu’au pluriel, le terme ayant deux sens différents »).

Revenons tout d’abord sur le cas Henriette Walter, citée à l’appui de la démonstration de Bertaèyn Galeizz. Il faut d’abord rappeler que cette linguiste de grande notoriété, qui a exercé à Rennes 2,  s’obstine à utiliser le vocable de « patois » pour décrire la variété dialectale. Elle est évidemment un des derniers linguistes à le faire, et cela reste complètement  incompréhensible du point de vue scientifique. De plus, Henriette Walter transpose le raisonnement qu’elle applique à l’espace d’oïl (avec des langues d’oïl bien différenciées du français) à l’espace occitan. Elle invite ainsi à douter de l’existence d’une langue occitane, pour préférer parler d’une collection de langues d’oc distinctes les unes des autres. Fañch Broudig lui-même s’en étonne dans un compte-rendu d’ouvrage :

 

Quant aux occitanistes, ils n’y trouveront sûrement pas leur compte : H. Walter préfère parler des langues d’oc et ne fait état qu’une seule fois de l’occitan.

 

Elle n’est pas seule, puisque d’autres linguistes, dont le recommé Philippe Blanchet, se montrent partisans d’un éclatement linguistique dans l’espace occitan et répugnent à reconnaître l’existence d’une langue occitane. Jean-Pierre Cavaillé tord le cou à cette linguistique, au final très orientée :

 

Ceux-là préfèrent en général parler de langues ou de parlers d’oc au pluriel, soit qu’ils militent effectivement pour l’affirmation d’une pluralité essentielle (ce que l’on appelle faussement l’occitan, serait en fait constitué de langues séparées, distinctes, ainsi que le défend Philippe Blanchet […]), soit qu’ils se refusent à utiliser un terme, dont ils décrète qu’il est « politique » (cela semble le cas d’Henriette Walter). Le seul fait d’utiliser le singulier est dans ce dernier cas apparemment conçu comme un engagement idéologique dont la « science » doit se garder. Mais il faudrait alors nous expliquer, par des arguments scientifiques, les motifs qui interdisent d’affirmer l’existence d’une communauté linguistique suffisamment étroite pour permettre l’utilisation du singulier. Or, étonnamment, ces arguments ne sont jamais fournis, ou plus exactement, comme on le verra, invariablement, arrivé à ce point, la linguistique renonce à elle-même au profit d’une utilisation partisane des représentations sociales. 

 

Il enfonce le clou plus loin :

 

La sociolinguistique ne se contente pas d’enregistrer ces représentations (de même qu’en aucun cas on ne peut appeler sociologie l’enregistrement de ce que les acteurs sociaux disent de leur situation sociale) mais en produit, ou devrait en produire, l’analyse à la fois sociale et linguistique. C’est bien du reste ce que Blanchet prétend faire, mais ne fait pas, se limitant à prélever dans les enquêtes sociolinguistiques les données qui servent son propre engagement, qui est la défense du provençal d’abord et secondairement des autres parlers occitans comme idiomes séparés. 

 

Le rapport Cerquiglini, invoqué lui aussi par Bertaèyn Galeizz, aboutit à un total de 75 langues sur le territoire national français (métropole et colonies), dont 8 langues d’oïl. Le linguiste Jean Sibille se penche sur ce cas de figure singulier au niveau européen, en rappelant que le consensus n’existe pas sur la question langue d’oïl ou langues d’oïl, mais que dans tous les cas la Charte les considère comme dialectes de la langue officielle.

 

Le rapport Cerquiglini suggère, grâce à une interprétation extensive des notions de «langue minoritaire» et de «langue sans territoire» de retenir à côté des langues dites  «régionales» (de France métropolitaine et d’Outre-mer) ainsi que du rromani et du yiddish (langues non territorialisées, mais dont le caractère «européen» n’est pas contestable) le berbère, l’arabe «dialectal», l’arménien occidental, ainsi que le hmong, langue originaire d’Extrême-Orient mais parlée en Guyane. Ce rapport suggère aussi de prendre en compte ce qu’il appelle les «langues d’oïl», c’est-à-dire des variétés linguistiques proches de la langue standard que d’autres dénomment «dialectes d’oïl» ; or, même si l’on préfère l’expression «langues d’oïl», n’en demeure pas moins qu’il s’agit de ce que les rédacteurs de la Charte ont appelé «dialectes de la langue officielle».

 

 

La reconnaissance de ces « langues traditionnellement considérées comme des dialectes du français » rend circonspects des linguistes étrangers comme l’anglais Tim Pooley :

 

il est curieux que les conseillers du gouvernement aient même pu penser à se servir de cet accord international [la Charte] pour sauvegarder et promouvoir cette partie du patrimoine linguistique français [les dialectes d’oïl]. 

 

C’est d’autant plus surprenant que la Charte ne prend explicitement pas en compte les « dialectes de la langue officielle ». Jean Sibille avance quelques explications sur cette promotion des parlers d’oïl au rang de langue. Les raisons seraient d’ordre politique et idéologique, et guère linguistique.

 

La prise en compte de certaines langues d’origine étrangère et des «langues d’oïl» semble donc être en décalage avec l’esprit de la Charte, mais elle s’explique par un certain nombre de contraintes et de préoccupations politiques, et peut être aussi par certains a priori idéologiques. Dans un contexte qui serait marqué par une volonté affirmée de l’État de légiférer en matière linguistique et de prendre sérieusement en compte les aspirations linguistiques des citoyens, on pourrait imaginer un dispositif juridique avec différents textes adaptés à chaque cas: «langues d’oïl», langues régionales «allogènes», langues d’origine étrangère menacées, langues étrangères, etc. Dans un tel contexte, il n’aurait pas été nécessaire de prendre en compte les idiomes d’oïl et certaines langues d’origine étrangère dans le cadre de la Charte. La signature de la Charte intervenait, au contraire, dans un contexte où le gouvernement s’était engagé à signer la charte, mais où il n’y avait aucune perspective de multiplier les projets de loi sur des questions linguistiques, compte tenu des résistances et des oppositions que de telles questions n’auraient pas manqué de susciter au sein même de l’appareil d’État et du parti au pouvoir.

 

Intégrer un maximum d’idiomes dans la liste des langues concernées par la Charte présentait ainsi l’avantage d’éviter de légiférer différemment selon les catégories de langue, ce que la raison commanderait pourtant. On y reviendra. Le résultat est en tout cas que les « langues d’oïl » figurent désormais au rang de « langues régionales », au même niveau que le breton, le corse ou encore l’occitan, pour des raisons qui ne sont pas entièrement linguistiques. Elles seraient ainsi susceptibles, en cas de ratification de la charte, de bénéficier des mêmes mesures que le breton. Tim Pooley doute de son côté de la capacité à mettre en œuvre des politiques linguistiques dans des régions où l’on est déjà surpris de voir figurer l’idiome régional au rang de langue :

 

Quant aux activistes des langues collatérales en question, surpris par ce changement de cap inattendu [la reconnaissance de 8 langues d’oïl par Cerquiglini], on est en droit de douter qu’ils soient en mesure de faire face au défi de planification linguistique que constitue la reconnaissance aux termes de la Partie II de la Charte.

 

On le voit, l’assurance de Bertaèyn Galeizz dans sa réponse à Olier Ar Mogn parait déplacée. L’assertion “gallo langue d’oïl” est loin d’être une évidence, et c’est une question qui ne fait pas consensus chez les linguistes, ainsi que le rappelle Jean Sibille :

 

Il y a enfin la question des «langues d’oïl» considérées comme des variétés d’une seule langue par la tradition philologique et dialectologique, mais que certains revendiquent comme des langues autonomes (et qui correspondent à ce que la Charte appelle «dialectes de la langue officielle» et les Belges «langues régionales endogènes»).

 

Dans le prolongement de ces incertitudes, mon expérience personnelle du gallo tend à me faire considérer le gallo comme un dialecte d’oïl plutôt que comme une langue à proprement parler. Cette expérience est pour l’essentiel familiale, complétée par quelques cours de gallo à la fac. Le « patwé » que j’ai toujours entendu dans ma famille du Centre-Bretagne, aussi spécifique soit-il, ne m’a jamais paru devoir être réellement distingué du français. Bien au contraire. Sans doute, la langue que j’ai entendue pratiquer a-t-elle subie l’influence du français. Jusqu’à quel point, je n’en sais rien. La proximité entre français et gallo me semble en tout cas prendre largement le pas sur les aspects distinctifs. D’ailleurs, mon père avec son gallo n’a aucunement été traumatisé par son entrée à l’école, comme l’ont été les petits bretonnants. Preuve que le passage du gallo au français ne présente pas de grande difficulté. Si un francophone peut-être désarçonné lors de ses premiers contacts avec le gallo, la compréhension vient très rapidement. L’écart entre gallo et français ne me semble pas excéder celui existant entre breton trégorrois et breton de Basse-Cornouaille, ou breton standard par exemple (sans même parler du vannetais). Mais ce constat reste très subjectif, j’en conviens.

 

Plus objectif certainement, le fait qu’il n’y ait pas de frontière linguistique à l’est de la zone gallo. On l’arrête par convention aux frontières de la Bretagne historique, mais la langue traditionnellement parlée en  Mayenne est évidemment dans la continuité du gallo. D’ailleurs, du pays gallo jusqu’à la Wallonie, les spécialistes reconnaissent l’existence d’un continuum linguistique sans rupture, ce qui tend à montrer l’existence d’une variété dialectale plutôt que de langues plus ou moins clairement différenciées.

 

Je ne peux que donner raison à Olier Ar Mogn dans les lignes suivantes, lorsqu’il considère que le gallo relève plus d’une modalité du français que d’un véritable « code linguistique complet distinct », avec toutes les différences que cela implique en termes de pratique et de représentation :

 

La réalité du gallo, elle, est bien différente. La pratique ne rejoint pas le discours car l’emploi du gallo fait partie de la pratique francophone rurale normale, même si elle est refoulée ou niée par une partie des locuteurs ; elle ne représente pas la pratique volontaire d’un code linguistique complet distinct, reconnu comme tel et que l’on souhaite transmettre intact aux générations futures sans interférence du standard. Les études sociolinguistiques ne font pas apparaître de jeunes couples élevant consciemment leurs enfants en gallo. Une telle différence a un sens. 

 

L’objectif des militants bretonnants est l’avènement d’une société partiellement bilingue breton-français, seule à même de sauver le breton. Un tel objectif ne peut évidemment pas être celui des militants gallos, le bilinguisme français-gallo étant quelque chose qu’on est bien en peine de concevoir. Cela fait aussi une différence d’importance.

 

Il me semble donc que c’est une erreur stratégique que de mettre le breton et le gallo sur le même plan. Le principal problème est que cela conduit immanquablement à revendiquer strictement les mêmes droits pour l’une et l’autre « langue ». Dans l’absolu, l’initiative semble tout à fait louable. Dans le contexte glottopolitique actuel, cela représente surtout un obstacle mis en travers du breton. En effet, si toutes les revendications actuelles en faveurs du breton, doivent être transposées également pour le gallo (ce que commencent déjà à faire certains militants du gallo), il me parait évident que les murs que nous avons en face de nous serons de plus en plus infranchissables. La difficulté est déjà telle pour faire reconnaître nos droits basiques en tant que bretonnants, que nos interlocuteurs (administrations et élus) ne manqueront pas de nous éconduire, au motif que telle ou telle mesure est inapplicable à la fois en Basse-Bretagne pour le breton, et en Haute-Bretagne pour le gallo (pour l’anecdote, on se souvient qu’à Rennes le projet était de rendre bilingue français-breton l’ensemble des stations de métro, une seule a été réalisée suite aux protestations de militants gallo qui ont obtenu leur station gallo).

 

La demande sociale en faveur du développement du gallo est quasi-nulle. C’est regrettable, mais on doit en tenir compte dans la formulation d’une politique linguistique. Celle-ci ne peut être, de facto, de même envergure que pour le breton. Certaines revendications avancées par le mouvement gallo sont raisonnables et justifiées (aide à la création culturelle, un intervenant dans une école de chaque communauté de communes, présence dans l’audiovisuel). D’autres en revanche laissent perplexe (Office de la langue gallèse, signalisation en gallo sur toute la Haute-Bretagne,  mise à égalité du breton et du français au Conseil régional et dans les Conseils régionaux). Cela équivaudrait à mettre en place un « bilinguisme » gallo-français, aussi pertinent je pense qu’un « bilinguisme » breton trégorrois-breton standard. En vérité, on a affaire là à des mesures qui relèvent de la symbolique et du prestige, comme le critique durement Olier Ar Mogn :

 

En choisissant délibérément de copier les revendications formulées par le mouvement brittophone et en se concentrant exclusivement sur la conquête des symboles (signalétique) visant à recevoir enfin l’onction sacrale (être reconnu comme langue autonome par rapport au français), l’on peut se demander si le mouvement gallo n’est pas en train de laisser s’échapper la proie pour mieux s’emparer de son ombre.

 

Je le rejoins aussi sur la priorité que devrait représenter le développement d’une vie culturelle en gallo, à laquelle, je pense, devrait être couplée une (re)découverte généralisée du gallo dans les écoles.

 

Une vraie vie culturelle en gallo contribuerait certainement bien plus à décomplexer la population de Bretagne orientale que l’énorme effort déployé par certains pour faire sortir le gallo de la famille des langues d’Oïl.

 

Le gallo doit être défendu, mais pour ce qu’il est, une modalité régionale de la langue française, et non pour ce qu’il n’est pas, une langue de facto distincte du français. La solution est un traitement différencié, parce que breton et gallo n’ont à mon avis pas à avoir le même statut, et leurs locuteurs les mêmes droits (les droits des gallésants devant être globalement confondus avec ceux des francophones). La Charte a été conçue dans ce sens, pour défendre et promouvoir des langues autochtones et non des variations de la langue officielle. Perdre un dialecte d’une langue, aussi dommageable soit-il, reste malgré tout moins préjudiciable que perdre une langue proprement dite.

 

Je termine en laissant la parole à Jean Sibille, qui plaide pour une approche différenciée du traitement des langues :

 

Ce dispositif est destiné à permettre l’application à chaque langue des dispositions les mieux adaptées à son cas particulier et à tenir compte des spécificités linguistiques de différents territoires. Ces possibilités d’application différenciée étaient évoquées dans le rapport Cerquiglini. Mais, finalement, le projet de ratification de la Charte, tel qu’il avait été préparé par le Gouvernement avant que le processus ne soit interrompu par la décision du Conseil constitutionnel, prévoyait l’application de trente-neuf mesures uniformément à toutes les langues, sur la totalité du territoire français. Dans l’éventualité d’une future ratification de la Charte par la France, il ne serait sans doute pas inutile de tout remettre à plat et de déterminer quelles mesures pourraient être appliquées à quelles langues, sur quelles parties du territoire national.

 

On en est bien loin, j’en conviens.

 

La parole est ouverte, notamment aux militants du gallo.

 


Ouest-France dans ses oeuvres

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Ouest-France poursuit son travail de sape de négation de la Bretagne historique, et de la Bretagne tout court. Dans l’édition du jour, on en trouve encore un exemple édifiant. Sur la couverture d’abord, où un titre annonce “Une encyclopédie du rock à l’Ouest“. Ayant entendu parler de la sortie du tome 2 de “Rok”, ouvrage à propos du rock breton, je soupçonne l’entourloupe. Ca ne rate pas, le résumé de l’article me confirme bien qu’on parle là de “l’encyclopédie du rock breton (Rok), de Nantes à Brest”.

L’article en lui-même, en page culture, offre un festival. Ouest-france, ses journalistes (l’article est signé Benoit LE BRETON, avec Philippe RICHARD et Michel TROADEC), réussissent ainsi la prouesse d’évincer presque complètement les termes “breton” et “Bretagne”… pour parler d’une encyclopédie du rock breton ! Méthodiquement. Sciemment. Ceci au profit de “l’Ouest”.

C’est parti. Le titre d’abord : “Le vrai poids des musiques rock à l’Ouest“. Puis :

“implantant à l’Ouest la plus grande concentration de ces événements festifs”

“Le hip-hop de l’Ouest a ses premières stars avec les Nantais Hocus Pocus”

“Stars de l’Ouest

“Des journalistes de l’Ouest

Avec Ouest-France, c’est le matraquage permanent. Le but, enterrer la Bretagne historique, maintenir une Bretagne croupion insignifiante, et par dessus tout, promouvoir l’Ouest, territoire qui n’existe pas mais qu’il faut faire advenir. Dans ce dessein, l’identité bretonne revendiquée est une entrave qu’il faut neutraliser. L’acte de censure manifeste du magazine Bretons de février est là pour nous le rappeler.


Derc’hen a ra ar stourm e Kernitron-al-Lann

 


Dimeurzh penn-sizhun oa en em gavet ouzhpenn 500 a CRSed hag a baotred Mari-Robin  evit hargas kement hini hag a stourm a-enep d’an danvez-aerborzh. Ha ne vez ket kollet amzer. Bezañ zo un toullad tier dispennet dija, ha prestik ne vo ti ebet ken en e sav e-lec’h vo savet an aerborzh. Pegement e kousta da Yann sitoian ? 500 000€ betek bremañ, hervez unan plaset-mat. Ha n’eo ket fin. Derc’hen a ra ar stourm a-enep da sorc’henn ar Sozialisted (ret eo lâret emaint tout a-du evit an aerborzh).  Tal-o-c’hichen ne glever ket ken Duflot hag he c’hensorted glaz, tapet berr int goude ‘devant embannet bezañ a-enep. Met se oa gwezhall ! N’eo ket ar wezh kentañ e vez tremenet lost al leue dre hon genoù.

 

Neuze e terc’h ar stourm eno. An degadoù a dud a oa en em staliet war dachenn an aerborzh evit labourat an douar hag enebiñ deus kirri-nij ar PS zo rekouret bremañ gant tud all deus tamm bihan pep lec’h.  Goude e vanka traoù dezhe (boued ha dilhad) e terc’hont penn bepred. Tier dilosket an deizioù a-raok zo bet addigoret. Ha kalz a vanifestadegoù skoazell a vez ‘ba bro Naoned hag e lec’h all. Dont a ra da soñj dimp ‘ba Plougoñ. Siwazh, dav eo lâret emañ an tu-kreñv gant Ayrault hag e lakizien. Ar galloud politikel kement hag an holl mediaoù zo dindannañ (klevet ‘peus-c’hwi komz deus stourm Kernitron ‘ba ‘r mediaou ?)… Bepred eo e vez diskwelet sklaer dezhe penaos ne vefont ket laosket da drailhañ hon bro evit o “c’hreskidigezh santel”.

 


La culture “country” en vogue

membres de l’association “Phare West an Trev” à Ploueg-An-Trev

Que se passe-t-il quand une culture populaire décline ? Eh bien une autre culture, véhiculée par les médias de masse celle-là, vient combler l’espace laissé vide. C’est ainsi que l’on voit fleurir un peu partout en Bretagne des associations promouvant la culture “country”. Et comme aux Etats-Unis, cette culture se diffuse majoritairement dans les zones rurales (cf une liste non exhaustive des clubs en Côtes d’Armor : Trévé, Sant Gelven, Rostrenn, Plounevez-Kintin, Coetmieux, Aucaleuc, Pleumeur-Bodou, Goméné, Lanfain, Lannuon, Ploujean, Pont-Melvez, Ploueg-An-Trev, etc.).

Que recouvre cette culture d’origine US ? Regarder le programme du festival country organisé à Ploueg-An-Trev ce samedi permet de se faire une idée. D’ailleurs, l’intitulé assez ridicule présentant la journée est assez explicite : “un rendez-vous western, attention cow-boy, ça va chauffer dans les Tiags”. Concrètement, l’amateur de culture “country” et les curieux qui iront y faire un tour auront droit à un concert de musique country et à des stands divers : “western, amérindien, tir à l’arc, motos et voitures américaines, promenades à dos de poney, démonstration et initiation à la danse country, taureau mécanique, structure gonflable, etc.” En somme, un joyeux mélange de pratiques et de produits plus ou moins culturels made in USA, dont on perçoit très vite la superficialité de l’ensemble. Est-ce étonnant quand ces aficionados sucent leur passion majoritairement par le biais de productions cinématographiques ?

La culture amérindienne semble approchée, mais on se demande bien comment. Ou plutôt, on a une petite idée en voyant l’affiche du festival rendant hommage à John Wayne. Dans la culture “country”, le western est un élément central. Pas le western spaghetti, mais bien le bon vieux western à la mode Hollywood dans lequel le héros yankee dézingue du sauvage par dizaines. Partant de là, on se doute que la place de la culture amérindienne dans la culture country ne peut être qu’anecdotique, car appréhendée par les mêmes clichés que ceux véhiculés par Hollywood. Les amateurs de country s’intéressent-ils réellement à la culture des peuples amérindiens et à l’histoire de leur massacre ? Exceptions mises à part, permettez-moi d’émettre un doute. Car quand on aime cette culture, c’est bien au cow-boy qu’on s’identifie, à cette figure cinématographique US qui traverse les époques, des westerns de John Wayne à la série Dallas (cf le costume de rigueur de l’amateur de culture country : chapeau texan, santiags, etc.).

La diffusion de cette sous-culture américaine en Bretagne est en tous les cas large. Près d’une dizaine d’événements par mois sont qualifiés de “country”, dont des festivals d’importance comme Bain de Bretagne (40 000 visiteurs tous les ans), sans compter les cours de danse hebdomadaires dans de nombreuses communes. A Ploubêr, le maire a récemment donné raison à l’association de danse country locale contre l’association de culture bretonne Min Rann. Cette dernière se voit obligée de délocaliser ses causeries en breton à Plouilio. Le symbole est fort. Le monde occidental s’uniformise par l’entremise des mass médias, on singe bêtement l’american way of life, et on laisse crever l’inestimable trésor que représente notre culture populaire.


Autonomie et réunification de la Bretagne, vite !

 

L’édition du 3 février du Telegramme nous apprend qu’aucune université du Grand Ouest ne figure parmi les 8 campus sélectionnés par le ministère de l’enseignement supérieur dans le cadre de l’appel à projet du grand emprunt, les “Initiatives d’excellence”. Sans surprise, la moitié des universités retenues (4 sur 8) se situent en région parisienne. Le regroupement des universités bretonnes  sous le nom d’ Université Européenne de Bretagne (évidemment circonscrit aux 4 départements de la région administrative), n’a pas fait le poids et ne bénéficiera donc pas de la (grosse) part du gâteau : 7,7Md  € au bas mot pour faire des 8 campus choisis des pôles universitaires de rang mondial.

 

Comme à l’accoutumée, la Bretagne est ignorée du pouvoir central, et Paris continue de bénéficier à fond des financements publics. A force, ça en devient caricatural, et pourtant cela ne choque guère. Vu de Paris, c’est normal étant donné la situation périphérique de la Bretagne. Vu de Bretagne, c’est normal aussi, habitués que nous sommes, et nos élus s’en satisfaisant par médiocrité, a être privés d’un vrai développement régional. Ainsi fonctionne la République, championne de l’égalitarisme. Pour paraphraser Orwell, toutes les régions sont égales entre elles, mais l’une d’elles est (bien) plus égales que les autres.

 

Combien de temps encore devrons-nous accepter docilement que le présent et l’avenir de la Bretagne soient dictés par un pouvoir central qui nous ignore ? Quand verrons-nous les élus bretons, aboyant pour leurs intérêts locaux et frétillant la queue à l’idée de faire carrière à Paris, défendre véritablement les intérêts de la Bretagne et des Bretons ? Ma doue, que le CELIB est loin. Et pourtant, l’exemple des universités bretonnes recalées par l’Etat français nous le rappelle encore une fois, seule une Bretagne autonome et réunifiée, actrice de son développement, permettra d’inverser le processus de minorisation politique à l’échelle française.

 

Ces temps-ci l’on sent un frémissement en faveur de la réunification de la Bretagne, suite à l’amendement des députés Le Fur et De Rugy. Difficile de dire si l’issue en sera positive. Au moins, l’initiative a-t-elle le mérite de mettre le sujet sur le table et de clarifier le positionnement des uns et des autres. Mais les obstacles seront évidemment multiples. Réunifier la Bretagne, dans un pays qui a une peur panique des “revendications régionalistes”, ne va évidemment pas de soi. Le sociologue Pierre-Jean Simon le rappellait avec à propos dans son ouvrage La bretonnité, une ethnicité problématique, 1999 :

 

“Au maintien de cette région mutilée, cette région-croupion – en dépit de la géographie, de l’histoire, de l’économie et peut-être du simple bon sens -, à ce que certains ne craignent pas d’appeler le “dépeçage” de la Bretagne (et d’évoquer parfois à ce propos la partition irlandaise de l’Ulster), il paraît difficile d’avancer aucune justification qui ne soit directement politique et idéologique. Il s’agit assez clairement pour le pouvoir central d’éviter que se reconstitue la Bretagne d’autrefois sous la forme d’une région moderne qui par la réunion des cinq départements bretons serait susceptible de former un ensemble viable disposant d’un potentiel démographique et économique la mettant à l’échelle des régions européennes et la rendant de ce fait moins dépendante du centre parisien.” (p148, La bretonnité, une ethnicité problématique, 1999)


Kenavo paotr

 

Bet eo an devezh-mañ unan deus ar re dristañ. Chomet e oan mantret daou viz ‘zo pa ‘ma goulet gantañ penaos oa e gont, hag eñ respont ac’hanon evel-henn en ur c’hoarzhin : “ar c’hrank zo ennon”. Ha herie ‘h on manet mantret un eil gwezh, pa ‘meus klevet ar c’heloù spontus. Aet eo. An Ankou ‘neus falc’het anezhañ war-lerc’h eizh miz stourm enep d’ar c’hleñved. Ne oa ket ‘met daou vloaz warn-ugent.

En em anavezet omp ‘ba Ai’ta!. Eñ oa ul lisead yaouank krog da deskiñ brezhoneg. Deut oa prim ha brav gantañ. ‘Na ket aon rak komz brezhoneg. Lorc’h oa ennañ kentoc’h. Mont a rae ivez da deskiñ yezh ar vro gant e amezeien gozh. Evit difenn Breizh oa tan ennañ, minapl ! Ur wezh ‘na kontet din oa o soñjal diskar an Triliv zo war iliz bras Lannuon. Bet e oa ‘ba Brest o studiañ ar brezhoneg er skol-veur, ha goude oa antreet ‘ba Kelenn e Kemper da vont da skolaer ‘ba Diwan. N’eus ket gallet achuiñ e stummadur.

 

N’hallen ket tremen hep rentañ homaj dezhañ.

Kenavo Geoffrey

Agur eta ohore !