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La paix c’est la guerre

Euskariz dastumet

 

Le 20 octobre 2011, l’organisation basque armée ETA décrétait un “cessez-le-feu définitif”. Mardi 7 mai 2013, 6 militants de cette même organisation étaient arrêtés simultanément en trois endroits différents de France. Cela porte à 36 le nombre d’etarras arrêtés depuis l’arrivée au pouvoir de la droite en Espagne, en novembre 2011, coïncidant à peu près avec le cessez-le-feu d’ETA. Le gouvernement espagnol fanfaronne, Manuel Valls jubile. La presse, quant à elle, reprend comme à son habitude les communiqués émanant des ministères de l’intérieur français et espagnol. Sans jamais (se) poser de question.

 

Il y a un processus de paix en cours au pays basque. Depuis quelques années, la mouvance séparatiste basque s’est engagée dans une dynamique irréversible de rupture avec la violence. Les armes d’ETA se sont tues. Des observateurs internationaux, spécialistes de la résolution de conflit, sont présents au Pays basque pour superviser le processus et appuyer la gauche indépendantiste dans sa démarche. Il est désormais acquis dans la société basque que la lutte pour l’indépendance doit passer par des moyens uniquement démocratiques. Une occasion historique se présente de mettre un terme définitif à des décennies de violence et de souffrance, dans les deux camps. 

 

Le gouvernement espagnol, et son affidé Manuel Valls, ne reconnaissent pas ce processus de paix. Les pas en avant des séparatistes basques, en direction d’une résolution pacifiée du conflit, sont superbement ignorés. Leurs chaises à la table des négociations restent désespérément vides, au grand dam des observateurs internationaux. La question des 800 prisonniers basques de l’ETA, au centre de la résolution du conflit, ne bouge pas d’un iota. Les détenus malades et ceux pouvant bénéficier de liberté conditionnelle sont maintenus en détention. Les cours spéciales espagnoles continuent de prononcer des peines démesurées. La politique d’éloignement et de dispersion des prisonniers se poursuit. Arnaldo Otegi, leader de la gauche indépendantiste basque et promoteur du processus de paix, est dans sa troisième année d’incarcération. Et les etarra encore en clandestinité, de même que les militants politiques (on n’oublie pas que Manuel Valls a livré à l’Espagne la militante politique Aurore Martin), sont pourchassés par les polices des deux Etats.

 

L’opinion publique applaudit, la lutte anti-terroriste est toujours aussi efficace et Manuel Valls continue de gagner ses galons de premier caporal de France. La presse ne cherche pas à questionner ce qu’elle ne comprend pas, et au fond ce dont elle se fout. L’Espagne et la France luttent de concert contre le terrorisme basque. Voilà tout ce qu’il y a à retenir.

 

Espagne et France ne sont pas intéressées par la paix. Ce qu’elles veulent, c’est la victoire totale, l’écrasement de l’ennemi intérieur, sa reddition complète et sans condition. Les précédents exemples de résolution de conflit, en Afrique du Sud et en Irlande notamment, leur auraient pourtant montré qu’une paix se construit avec toutes les parties concernées. Les Etats doivent eux aussi faire des concessions. Dans cette optique, la question de l’amnistie des prisonniers est cruciale. Elle est la condition sine qua non d’un retour à un climat pacifié.

 

Aucun geste de bonne volonté ne va dans le sens d’une amnistie, ne serait-ce que partielle, des militants basques. La poursuite d’une répression impitoyable du mouvement séparatiste a, il est vrai, de commodes avantages. Dans un climat de crise, elle permet à nos gouvernants de s’octroyer de petits succès de prestige non négligeables. En ciblant (et en entretenant) un ennemi intérieur, elle contribue à détourner l’attention de l’opinion publique tout en renforçant la cohésion nationale. C’est enfin une question de fierté nationale, l’ordre républicain, comme son homologue espagnol, doivent régner sur tout le territoire national. On ne transige pas avec. Les “événements d’Algérie”, la ratonnade de mai 1967 en Guadeloupe, l’assaut sanglant de la grotte d’Ouvéa en 1988, et d’autres encore, ont montré par le passé que l’on ne s’embarrasse guère des Droits de l’Homme lorsqu’il est question de l’ordre républicain.

 

La société basque attend des mesures d’apaisement, et elle a devant elle deux Etats sourds et muets, mais sûrs de leur force. Alors que la paix définitive semble à portée de main, chaque arrestation et condamnation vient crisper et exaspérer un peu plus les acteurs du processus de paix. En cas d’échec de ce dernier, les Etats français et espagnols devront en porter l’entière responsabilité.

 

 


Au Pays Basque, l’opinion publique est loin d’être enthousiaste sur la langue

“Nous voulons vivre en basque”

Je viens de lire un article du Journal du Pays Basque (JDPB) qui vient confirmer une des idées que j’émettais dans le texte précédent : derrière les déclarations de principe en faveur de la sauvegarde des langues dites “régionales” (tout le monde s’y adonne maintenant en France, même Mélenchon et Le Pen, c’est dire), l’opinion publique est globalement méfiante, voire hostile sur la question (en plus d’être totalement ignorante). La dernière enquête socio-linguistique menée au Pays Basque (Communauté Autonome d’Euskadi, Nafarroa, Pays Basque Nord dit “français”) l’illustre très bien.

La langue basque en Iparralde (Pays Basque nord) se porte plutôt bien, si l’on observe la situation avec nos lunettes bretonnes. Le pourcentage d’élèves en filière bilingue ou immersive laisse notamment rêveur (de mémoire, l’enseignement en basque concerne près de 40% des élèves du primaire). Maintenant, si l’on adopte le point de vue d’Hegoalde (Pays Basque sud), où la langue est officielle, hyper-valorisée et abondamment pratiquée dans la zone bascophone, il y a de quoi être inquiet au vu du nombre de locuteurs qui continue de décroître et d’une pratique quotidienne de la langue en grosse difficulté (tiens donc !).

Là où l’enquête est particulièrement intéressante, et c’est ce que met en exergue l’article du JDPB, ce sont les représentations très contrastées sur la langue en Iparralde. D’une part, la promotion du basque est aujourd’hui moins bien perçue qu’en 1996 (42,3% d’opinions favorables à l’époque contre 38% en 2011). D’autre part, le nombre d’opposants à la promotion du basque gonfle, pour passer de 12,7% en 1996 à 21,3%. Cela peut paraître assez surprenant, surtout vu de chez nous où le soutien à la promotion du breton ne cesse de grandir. Dans la Communauté Autonome et en Nafarroa (bien qu’elle soit dirigée historiquement pas des partis espagnolistes hostiles au basque), le mouvement est inverse et les populations sont toujours plus favorables aux mesures de promotion. 

Cette opposition qui grandit en Iparralde (cf l’opposition à la création d’une filière bilingue dans l’école publique de Uztaritze comme autre exemple) illustre parfaitement les réticences larvées dans l’opinion publique française quant à des mesures concrètes de sauvegarde d’une langue minoritaire. Il est vrai que la langue basque est sur ce territoire incontournable, le militantisme linguistique étant très dynamique et chaque commune ou presque a son école en basque. De plus, à quelques kilomètres de là en Hegoalde, elle bénéficie d’un statut supérieur à celui de l’espagnol (chose encore plus vraie depuis que la coalition nationaliste Bildu dirige la province de Gipuzkoa). On peut donc penser qu’un certain nombre de personnes, issues pour la plupart du reste de la France (en tant que lieu de villégiature très couru, la côte basque accueille une population très importante de l’extérieur), et confrontées sur leur lieu de vie à une présence très concrète de la langue basque, affiche une hostilité claire devant ce qui leur paraît être une dérive, voire une situation anormale. Pour beaucoup de gens, qui ne font que débiter ce que le pouvoir républicain énonce, une bonne “langue régionale”, “un bon patois”, c’est une langue que l’on n’entend ni ne voit, sauf pour faire rigoler l’assemblée de temps en temps.

 

En Bretagne, on est d’autant plus favorable à la promotion de la langue bretonne qu’elle est absente du quotidien : mis à part les panneaux, les émissions du dimanche à la télé qu’on a vues une fois dans sa vie, et les écoles Diwan dont on a entendues parler au journal télévisé de TF1, la langue bretonne est sans doute quelque chose de très abstrait pour la plupart des gens. Gageons que si ces personnes étaient confrontées dans leur quotidien à une langue bretonne vivante, largement pratiquée, le soutien actuel a la langue bretonne dégringolerait comme en Iparralde.


Les prisonnières basques de Roazhon en lutte

La maison d’arrêt des femmes de Roazhon-Rennes compte actuellement 5 prisonnières politiques basques qui payent au prix lourd leur engagement en faveur de la liberté de leur pays. Comme l’ensemble des autres collectifs de prisonniers basques, elles sont dans une année de lutte. Voici ci-dessous leurs coordonnées, et plus bas la lettre qu’elles ont fait parvenir à plus de 150 associations en Bretagne.

 


MA Rennes, 56 Bvd Jacques Cartier – BP 3106

35031 Roazhon Cedex

Alberdi Zubirrementeria, Ane Miren   6994

Gimon, Lorentxa                             7228

Lopez Resina Maria Dolores             7075

Perurena Pascual, Argi                     6411

Somoza Chamizo, Lorena               7142

 



Bonjour,

 

Nous sommes quatre femmes [Lorentxa Gimon ayant été transférée à Roazhon dans le courant de l’année], prisonnières politiques basques, incarcérées au Centre Pénitencier de Roazhon. Nous voulons, par quelques mots, vous approcher de notre pays et vous expliquer la lutte que nous menons, en ce moment, dans les prisons françaises et espagnoles.

 

Nous sommes un Collectif de 760 prisonniers politiques basques. Nous étions tous des militants politiques avant notre incarcération et une fois incarcérés c’est au sein du Collectif de Prisonniers Politiques Basques que nous continuons à exercer notre militance politique pour l’indépendance du Pays Basque, en réclamant le  Droit à l’Autodétermination pour une  issue démocratique du conflit. Aujourd’hui nous sommes 760 prisonniers politiques basques, 592 d’entre nous sommes incarcérés dans 51 prisons de l’Etat espagnol, et 166 sommes incarcérés dans 32 prisons françaises (à une distance moyenne de 844 km de chez nous).

 

Nous subissons un traitement carcéral spécifique, des conditions de détention bien ancrées dans une stratégie délibérée de la part des gouvernements : l’isolement, la dispersion, le maintien en détention des prisonniers gravement malades et des prisonniers qui ont fini leur peine, le chantage aux libérations conditionnelles, l’allongement des peines, le refus des permis de visite, la censure, les brimades, vexations et passages à tabac, les obstacles pour les soins médicaux appropriés, les entraves aux programmes socio-éducatifs…

 

Les prisonniers Politiques Basques avons entamé en janvier une lutte avec les revendications suivantes :

 

L’Amnistie pour les prisonniers politiques basques et le Droit à l’Autodétermination pour le Pays Basque.

Entre temps, on demande l’abolition de cette politique pénitentiaire répressive mise en place par les Gouvernements français et espagnols. C’est-à-dire :

  • Le regroupement des prisonniers politiques basques au Pays Basque, la fin de la dispersion et la reconnaissance de tous nos droits assemblés dans le Statut de Prisonnier Politique.
  • La liberté pour les prisonniers qui ont fini leur peine de prison et de ceux qui sont en droit de bénéficier de la liberté conditionnelle.
  • La liberté immédiate pour tous les prisonniers atteints de maladies très graves.
  • La fin de l’isolement.